Les jeunes d'aujourd'hui (dont j'espère encore faire partie !) ont l'impression que le black bass et sa pêche sont un phénomène récent en plein essor. Quelle n'a pas été ma surprise hier soir en feuilletant d'anciens numéros du Chasseur Français. Je suis ainsi tombé sur un article consacré à la pêche du black-bass aux "leurres de fantaisie" (j'adore cette dénomination !), dans le n°795 de mai 1963. Je vous laisse savourer le style de l'auteur. Je n'ai pu m'empêcher d'ajouter des images de leurres vendus à l'époque dans le célèbre catalogue "Manufrance".
Comme quoi, les pêcheurs d'aujourd'hui n'ont rien inventé ! On met simplement au goût du jour les techniques de nos ayeux.
LA PÊCHE DU BLACK-BASS AUX LEURRES DE FANTAISIE
Il faut avoir lu les traductions d'auteurs halieutiques américains pour se rendre compte de l'enthousiasme que suscite la pêche du black-bass outre-Atlantique. C'est un poisson de sport très répandu en Amérique du Nord (États-Unis, Canada), où on le trouve n'importe où (rivières, canaux, lacs, étangs, marais, mares), et accroché sur n'importe quoi (mouche sèche ou noyée, sauterelle, ver, vif, poisson mort, poisson d'étain, et toute la gamme des leurres ou appâts du spinning, classiques et de fantaisie).
Il ne s'ensuit pas que cette perche noire, dite à grande bouche, mais qui a une grande gueule, soit tellement facile à pêcher dans nos eaux françaises hormis la période où elle garde sa ponte et défend sa progéniture. Or, c'est à ce moment-là que ce poisson est le moins intéressant parce que diminué et amaigri, comme nos espèces indigènes en pareil cas et auxquelles il faut un bon mois pour se refaire et retrouver toutes leurs qualités tant sportives que culinaires. En dehors de cette période, le black-bass est un des poissons les plus fantaisistes qui soient : le froid, la grosse chaleur, la pluie, le vent, l'eau très claire, l'eau trouble, lui coupent l'appétit.
Les Américains pêchent leur perche "noire" également de nuit (rien de plus normal !), ce qui laisse supposer que ce poisson se comporte, outre-Atlantique, avec cette humeur fantasque que nous lui connaissons en France et qu'il y a des journées noires... partout !
C'est pourquoi nous ne traiterons ici que de sa pêche au lancer léger, la mieux adaptée à son tempérament, en nous servant de leurres de fantaisie qui permettront de l'accrocher parmi la salade aquatique, si chère aux batraciens, où il aime à se tenir.
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Et, d'abord, voyons le matériel : canne de 200 grammes, nylon de 16/100, leurres de deux à trois grammes assez volumineux pour flotter, car le black s'intéresse énormément aux proies de surface. Un bon moulinet à tambour fixe complètera l'outillage, mais on devra veiller à ce que le bord extérieur du tambour ne freine pas les spires lors des lancers dont la longueur, ici, sera quelque peu réduite. A cet effet, on garnira de crin la bobine jusqu'à ras bord, de manière à pouvoir lancer le plus loin possible sans trop d'efforts. La précision étant, avec le bass, de première nécessité, puisque, aussi bien, on aura l'occasion de servir le leurre " plat ... plat " (feuille de nénuphar), le lancer vertical sera principalement à rechercher.
La technique et la pratique de la pêche du black sont strictement semblables à celle de la perche commune au lancer léger. Seuls les coins à prospecter diffèrent sensiblement, le bass se tenant ordinairement dans les eaux très calmes, à la limite des herbes aquatiques ou à l'abri des nénuphars, alors que notre zébrée recherche l'eau plus aérée et un peu plus profonde.
Quant aux leurres dits de fantaisie dont certains ont eu les honneurs de l'exigeante perche commune, le lanceur doit se souvenir que ce sont des engins à "travailler" et non des leurres à remorquer. Citons, en premier lieu, la petite grenouille artificielle, dont les Américains font grand cas en raison de ce qu'elle représente le plat de résistance du black et de ce qu'elle est armée judicieusement pour ferrer (pointes de l'hameçon double en l'air) la bouche du poisson et non la "salade" qui l'entoure.
Ensuite, vient la minuscule souris, artifice de l'ordre du batracien précité, qui a fait ses preuves tant sur le black-bass que sur la truite et le brochet.
Puis, le "popping-bug", en liège ou en bois très léger, qui simule une tête de poisson renversée, avec plan incliné au départ, suivie d'une mouche grossière, à hackle raide pour garantir l'hameçon contre les herbes ; la taille en biseau du premier plan ayant pour effet de servir de gouvernail de profondeur, mais ... et c'est là incontestablement la qualité première de l'engin, pas de direction !
Citons enfin le buldo armé, que nous avons ramené à une plus juste forme et proportion, parce que nous lui avons reconnu des qualités exceptionnelles, savoir : les mêmes que celles du popping-bug américain plus celle de pouvoir être alourdi ou allégé à volonté, suivant l'augmentation ou la diminution de l'eau intérieure ; sans compter la facilité de le faire changer de teinte par l'adjonction ou l'injection d'un liquide de couleur.
On conviendra aisément que la manipulation et le travail de pareils engins ne pourront pas être les mêmes que ceux des leurres classiques à remorquer et qui sont récupérés en pensant à la mort de Turenne ! On ne traîne pas une grenouille, une souris, un popping, un buldo, on les fait sauter, de place en place, jusqu'à la fin de la récupération, par des petits rappels du scion de la canne exécutés en accord avec la manivelle du moulinet. Il y a là une cadence à observer si on ne veut pas que le crin foisonne sur le tambour et aille chercher la perruque superfétatoire.
L'emploi du leurre de fantaisie permet d'obtenir, outre les mouvements naturels du batracien en action et du petit poisson pourchassé en surface, la pêche à vue la plus captivante à notre avis.
Et nous n'étonnerons probablement personne en disant que nous connaissons des grands as de la truite qui ont délaissé la mouchetée pour se livrer uniquement à la pêche du black-bass au lancer léger, suivant la mode du leurre "à travailler", qui est un sport étonnant plein de rapidités, de souplesses et de précisions ; de finesses, enfin.
André Cassinet
@+ Guilhem
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 08 novembre à 00:18
Excellent article !! Merci :)