Pour fêter les 25 ans de PIXAR et promouvoir la sortie en salles de son dernier film "Cars 2", John Lasseter a tenu une conférence exceptionnelle organisée par la Fnac. Pendant 1 heure 30 environ, le créateur de Toy Story est revenu sur la genèse du studio à la lampe, sa façon de concevoir un film, ses principales influences et bien entendu sur ce qui l'a conduit à réaliser la suite de Cars.
Une chronique de Nico
John Lasseter et Cars. Une évidence. Des signes qui ne trompent pas : né le 12 janvier 1957, d'une mère professeur de dessin (tiens ?) et d'un père concessionnaire Chevrolet (tiens bis ?), John Lasseter s'est passionné très vite pour le dessin et le monde de l'animation. A 5 ans, il gagnait déjà un concours de dessin.
Après avoir suivi des cours à l'Université de Cal Arts (California Institute of the Arts), il entra aux côtés de Tim Burton aux Walt Disney Studios en 1979. Il travailla d'abord sur le long métrage Rox et Rouky avant de participer au moyen métrage Le Noël de Mickey. A la même époque, certains de ses amis étaient aux commandes de la production de Tron, film pionnier dans l'utilisation d'images 3D générées via ordinateurs. C'est à cet instant qu'il entrevit les inimaginables possibilités qu'une telle technologie apporterait. Malheureusement, ses idées furent vite rejetées et il fut remercié par Disney en 1983. Toujours avec cette conviction que l'avenir résidait dans l'emploi des ordinateurs en animation, il intégra par la suite le département d'effets visuels de Lucasfilm Computer Graphics Group. Son travail sur le chevalier en images de synthèses du Secret de la pyramide de Barry Levinson fut particulièrement apprécié. En 1986, il créa avec Steve Jobs le studio PIXAR qui allait être le premier studio se consacrant uniquement à une animation 3D par ordinateur. Se familiarisant avec les outils informatique, il réalisa quelques courts métrages avec notamment le fameux Luxo Jr, dont le personnage principal devint le logo de la firme (et qui fut récompensé par un oscar aux Academy awards). Epatant sans cesse les plus grands noms de l'animation, Disney offrit à Pixar un partenariat de distribution qui allait lui permettre de produire le premier long métrage fait entièrement en images de synthèse de l'histoire du cinéma : Toy Story.
La suite nous est un peu plus familière et tout le monde se souvient probablement de l'accueil plus qu'enthousiaste de la presse et du public pour les aventures de ces jouets dont la réalité à l'écran ne fut jamais mise en doute. En 1998 et 1999, John Lasseter réitéra cet exploit avec 1001 pattes (premier film d'animation par ordinateur à être tourné en 2.35 :1) et Toy Story 2 (où comment faire taire les mauvaises langues sur l'inutilité prétendue des suites). Devant le succès grandissant de Pixar, il préféra produire plutôt que réaliser et confirma que la charte artistique instaurée par la firme n'était pas due à un seul homme. Monstres et Compagnie, Le Monde de Némo, Les Indestructibles, tous ces films bénéficiaient d'une attention particulière et aucun n'a jamais déçu.
Le contrat avec Disney arriva alors à échéance. Après de nombreuses négociations, Disney racheta Pixar. John Lasseter devint le directeur de la division animation chez Disney, un conseiller majeur au sein de Disney Imagineering (on lui doit par exemple le très beau Toy Story Playland), tout en gardant son poste habituel chez Pixar. Il revint à la réalisation avec Cars, premier petit échec en salles avant de devenir l'un des films les plus rentables de la firme avec ses produits dérivés. En parallèle, il obtint l'approbation de tous les fans du monde de Mickey en insufflant de nouveau l'esprit si cher à Walt Disney au sein de sa compagnie et en remettant au goût du jour les films d'animation 2D (on lui doit la mise en production de La Princesse et la Grenouille et de Winnie l'ourson), les courts-métrages (La Ballade de Nessie par exemple) et en stoppant les suites en vidéo médiocres au profit de films de plus grande qualité chez DisneyToon Studio.
John Lasseter a désormais plusieurs casquettes chez Disney mais garde encore sa position chez Pixar. Avec Brad Lewis, il vient de réaliser Cars 2 qui sortira ce mois-ci. L'occasion pour lui de venir en discuter à Paris pour le promouvoir et retracer ce parcours aussi atypique que relevant du génie pur et dur.
Au cours de cette conférence, John Lasseter a révélé de nombreuses anecdotes sur la création du studio Pixar, sur les grands de l'animation qui l'ont influencé et sur sa nouvelle réalisation, Cars 2. Interrogé par Rafik Djoumi, nul doute que les questions posées ont été extrêmement pertinentes. Rafik Djoumi s'est en effet penché sur ce qui fait la qualité Pixar, sur la patte artistique des animateurs et sur les références de John Lasseter.
NB. Cette conférence sera en bonus des éditions DVD du film.
John Lasseter a exposé sa façon de concevoir son métier. Il considère que la technique ne doit jamais faire oublier l'histoire. Il se voit avant tout en tant que conteur, mais il a simplement eu besoin de créer ses outils, un peu comme si un peintre devait d'abord inventer sa peinture en devenant un chimiste. J'ai beaucoup apprécié cette analogie, et cette humilité. Il a beaucoup insisté sur l'influence qu'a eu le court métrage de Disney "Susie, la petite coupée bleue" sur le concept des voitures de Cars, notamment sur l'emplacement des yeux au niveau du pare brise et non des phares. Avec beaucoup d'humour, il a expliqué qu'il ne pourrait pas représenter de cette manière à l'écran une voiture décapotée ou une moto, pensant que ce serait un peu comme voir leur cerveau et que ce serait assez désagréable. Toujours sur un ton humoristique, il a tenté d'analyser l'échec de Cars en France au cinéma, mettant le tout sur le compte de la Coupe du Monde de football. Il a également fait quelques petites allusions très marrantes sur la manière foncièrement différente qu'ont les gens de conduire dans le monde. Quelques anecdotes datant de la promotion du premier film, et qui lui ont donné envie d'en réaliser la suite.
Il a enfin tenu à nous parler de son admiration pour le réalisateur japonais Miyazaki, qu'il considère comme l'un des meilleurs réalisateurs du monde. Son approche non conventionnelle et sa vision des choses ont fortement influencé la manière de créer les histoires chez Pixar. C'est avec beaucoup d'émotion qu'il nous a raconté sa visite aux studios Ghibli, et de la réaction de Miyazaki lorsqu'il le vit faire ses poubelles pour avoir un dessin de ce dernier. John Lasseter est devenu l'un des distributeurs de Ghibli et veille à la bonne qualité de la traduction des films de ce studio.
Il a ensuite répondu aux questions du public, a confirmé que la Performance capture n'était pas envisageable par Pixar (pour la simple raison que ce n'est pas considéré comme un travail d'animateur), a dit qu'un film commun avec Ghibli n'était pas à l'ordre du jour pour l'instant et a expliqué un peu plus son travail pour les parcs d'attraction Disney.
Une masterclass vraiment enthousiasmante...