Le parcours en lui même m'a bien entendu ravi. La découverte de ces montagnes andines, de leurs glaciers se miroitant dans des lagunas aux eaux claires, m'a particulièrement plu. Couchers de soleil spectaculaires, clairs de lune sur les sommets, les visions du soir étaient bien belles. Les chemins, en eux-mêmes, offraient également leur lots de panoramas magnifiques, de lagunas et de cascades. Quelques difficultés aussi, j'y reviendrai, même si dans l'ensemble ils se sont révélés plutôt bien tracés tout en gardant un vrai caractère sauvage. Comme nous sommes le plus clair du temps restés aux alentours des 4000 mètres d'altitude, l'environnement était surtout minéral, même si la verdure des pelouses et des plantes aquatiques rendaient le paysage moins sévère que l'altitude pouvait l'impliquer. Cette Cordillera de dimension finalement assez réduite (30 km de long) nous aura offert la magnificence de ses sommets et la quiétude de ces lagunas.
Revenons maintenant en détail sur les étapes et sur mon périple personnel. Nous sommes partis après quelques jours d'acclimatation bien agréables dans les alentours de Huaraz, une ville de 140 000 habitants perchée à 3300 mètres d'altitudes, ponctués par des ballades déjà plus qu'appréciables: deux montées (pour moi) au lac de Churkan, un Olleros-Chavin vraiment sympa et copieux (45 kms dont 35 au dessus des 4000m), une petite grimpette au Pastorori à 5200m d'altitude, plus quelques virée au dessus de Huaraz. De quoi bien se mettre en condition pour aborder au mieux les chemins haut perchés de la Huay Huash et ses pentes bien marquées. La première étape n'est cependant pas très haute en altitude (3300 mètres tout de même) et la moins pentues de toutes. C'est de la petite ville de Liuaraz que nous nous élançons pour la première de ces huits étapes qui devraient donc nous conduire à faire un grand tour de cet cordillère au terme de quelques 200 kms et 15 000 mètres de dénivelé.
Un menu certes assez copieux mais qui ne m'effrayait pas; j'ai vu pire... La plupart des concurrents (nous sommes une vingtaine au départ) sont plutôt expérimentés et le niveau général devrait être assez dense. Je connais la plupart des coureurs, rencontrés auparavant sur différentes courses. Jean-Marc et Pascal, de grands habitués des courses népalaises, sont également de la partie. Ce sera donc avant tout une course entre amis. En parlant d'ami, Jean-Michel Jorda est là en "guest star": il effectue en parallèle un trajet à vélo (pour un nouveau chapitre de ses documentaires "Cycling...") et sera avec nous sur la plupart des étapes. Sa présence m'est vraiment très agréable.
Ever, un concurrent péruvien, inscrit de dernière minute et qui court là sa première épreuve, nous conduit au départ: il habite la localité. Pour éviter un premier tronçon de piste, il nous propose de couper par un petit chemin très pentu, pour un premier kilomètre en descente technique. Ces premiers appuis périlleux seront fatals à deux concurrents: Lydia puis Antoine s'y feront de belles entorses les contraignant à poursuivre l'étape en camion... Lydia finira la course sur un cheval (elle devient ainsi la première à faire le tour de la Huay Huash intégralement ainsi!) et Antoine se remettra bien de cette blessure pour terminer en trombe les dernières étapes). Autant dire qu'il vaut mieux prendre garde et partir avec un peu de prudence. C'est ce que je tente de faire. Je me retrouve en bas en compagnie de Pascal et Jean-Marc. Nous retrouvons là une piste bien large sur laquelle il est aisé de courir.
J'emboîte le pas de Pascal Beaury. Nous sommes tout de même à plus de 3000 mètres d'altitude et il est toujours aussi à l'aise dans ces conditions. Le parcours est très roulant et mes instincts de compétiteur, plutôt endormis ces temps ci, se réveillent immédiatement dans un tel contexte. Je m'accroche. Nous doublons rapidemment les coureurs péruviens et seul Christophe reste devant nous. Comme il se perd un peu, nous nous retrouvons même tous les trois à cinq kilomètres de Llamac, le village d'arrivée. Finalement Christophe reprend un peu le large mais nous arrivons pas bien loin derrière avec Pascal. Le paysage, sur cette première étape, est celui d'une vallée assez arrosée, parcourue par une rivière bordée d'arbre. Un petit coup de végétal avant d'aller voir là-haut les cimes et les roches...
Le village d'arrivée, Llamac, ne présente quant à lui guère d'attrait: il est plus triste et sans doute plus pauvre que ceux que nous avons traversé jusqu'à lors. Nous nous installons sur le terrain de foot municipal pour un premier bivouac entre les aboiements de chiens et les bruits des parties de foot. C'est tout de même plutôt agréable.
Le lendemain, direction les cimes avec une montée sèche, de 1000 mètres, qui nous conduit donc au dessus des 4000 mètres, à travers un petit chemins serpentant d'abord dans les cultures, puis entre des zones herbeuses et des roches. Nous ne descendrons plus guère en dessous pendant le reste de la semaine. Là encore, je me sens plutôt bien, sans doute un peu reposé après cette semaine de promenades (certes poussées...) dans les montagnes péruviennes. J'essaie d'accrocher Christophe et Pascal, puis termine l'étape avec Dominique, qui semble très à l'aise en descente. Nous arrivons sur les bords d'une laguna, parchée au pied du deuxième plus haut sommet du pays, le Yarupaya, qui culmine à 6634 mètres. Son glacier est un beau spectacle au coucher de soleil. La soirée se passera, comme les suivantes, agréablemen, entre rires et conversations, réfugiés la plupart du temps sous la tente messe où l'on déguste gâteaux et eaux chaudes: dès la tombée du soir, il ne fait pas chaud à 4000 mètres d'altitude. Les tentes de très bonnes qualités et la qualité des repas nous apporteront cependant un très bon confort de récupération.
Le lendemain nous quittons les rives de la laguna Jahuacocha pour une étape plus longue qui doit nous conduire, après deux passages de cols à 4900 mètres, au bord d'une autre laguna, Mitucocha. Je pars assez vite mais doit cette fois laisser partir mes deux amis et le péruvien Béto, qui semble beaucoup plus à l'aise en altitude et sur les pentes raides, dans le premier col. Arrivé en haut, le chemin pour descendre se perd dans la végétation et j'hésite un peu avant de descendre tout shuss dans la végétation et de rejoindre une route en contre-bas. Ce temps perdu sera précieux, mais je ne suis pas celui qui s'en sors le plus mal. Cependant j'ai perdu une bonne demi-heure à chercher mon chemin sur l'étape. Je termine en compagnie de Mehdi, sur une portion plate et marécageuse qui nous mène, à coup de bond pour éviter les trous d'eau, au fameux lac. Une bonne partie de nos camarades sont déjà là. Nombreux sont ceux qui ont pris des chemins différents. Nous nous en tirons pas mal: cinq coureurs se sont carrément perdus et arrivent, heureusement, juste à la tombée de la nuit. L'utilisation de cartes différentes, le niveau en orientation et l'usage de GPS rend les choses un peu trop inégales, c'est un peu dommage pour la course même si là n'est pas l'essentiel.
Là encore, le campement est agréable, le temps est froid et dégagé.
Après une bonne nuit nous repartons pour une longue étape. Je ne suis déjà plus aussi en forme et surtout mon envie de compétition s'est largement émoussé: place au voyage! Je profite un peu des paysages qui aujourd'hui sont magnifiques: la vue sur les trois lacs est particulièrement spectaculaire malgré un ciel un peu bouché. Eaux bleues et glaciers blancs. Le deuxième col de la journée monte assez raide mais régulièrement. Je l'aborde avec Pascal, qui n'est pas bien en forme aujourd'hui: il a confondu les micropurs et les anti-vomitifs hier pour traiter l'eau de rivière... Nous sommes juste derrière un groupe que nous quitterons des yeux à la descente: une coupe permise par le GPS leur apportera un petit gain de distance et de temps...La fin de l'étape nous emmène à travers une longue traversée d'un plateau qui me rappelle certains paysages écossais. C'est plutôt beau, un peu austère mais pas trop, assez humide avec encore quelques tourbières, des petits lacs, des rivières à traverser. Avant de revenir sur les bords du lac Catocucha, nous croisons une habitation gardée par des chiens pas réellement accueillants et que nous avons quelques peines à repousser à l'aide de pierres et de bâtons. Encore quelques kilomètres un peu pénibles au milieu des troupeaux et nous voilà au campement. La plupart de nos compagnons sont déjà là: une moitié du peloton n'a effectué que la moitié du parcours et les autres nous ont collé une bonne demi-heure...
Le lendemain je parcours l'étape en compagnie d'un autre ami, lui aussi habitué des courses par étapes au Népal et baroudeur au (très) long cours. Jean-Marc Wojcik, le médecin guyanais, aussi à l'aise dans la jungle que dans les expéditions sur les 8000 himalayens, est un bon compagnon de route. Aujourd'hui, malgré son genou récalcitrant, nous avons le même rythme. Les deux cols de la journée passent vite, l'étape est relativement facile.Jérôme nous précède de peu et nous rejoignons sur la fin Fanny et Aline, parties une demi-heure plus tôt, qui depuis leur mésaventure de l'étape 3 (elle étaient dans le groupe de "perdus") font course commune. L'étape est ponctuée de "péages": sur la Huay Huash les touristes doivent payer des taxes aux communautés qui habitent les lieux, une sorte de droit de passage qui profite au développement local. Le premier de ces arrêts est cependant un faux: deux rigolos habillés en bandits de grands chemins et armés d'antique fusil à un coup nous demande de payer, à la tête du client, entre 60 et 15 solès (divisez par 4 pour les euros). Jean-Marc ne s'en laisse pas compter et leur donnent nos tickets du précédent passage; ils s'en contenteront. D'autres, dont les filles, se font avoir. Aline promettra de revenir leur tordre le coup...
La fin du trajet est particulièrement belle; nous longeons d'abords le lac Viconga avant de descendre, le long d'une cascade spectaculaire, vers le campement, pas loin des sources d'eau chaude. Nous retrouvons Jean-Michel, qui avait campé au village (deux maisons) de Huay Huash hier. Devant, c'est toujours Christophe qui mène évidemment la danse malgré la résistance farouche du rusé Béto (qui a bien coupé hier...) qui connait parfaitement la montagne; il est aussi un alpiniste en vue dans son pays et est même nominé aux Piolets d'or pour avoir ouvert une nouvelle voie cette année. Le bivouac se tient toujours dans une excellente ambiance, mais la soirée est particulièrement fraîche. Cette nuit le thermomètre descendra bien en dessous de zéro degré. Il faut dire que nous sommes tout de même à 4300 mètres d'altitude.
L'étape suivante est longue. Nous attaquons par un col assez difficile. Je pars assez tranquillement, laissant vite filer les Christophe, Pascal et Beto. Au sommet, devant un panorama de glaciers exceptionnel, je laisse aussi partir Vincent Minier, très en forme cette semaine et me retrouve à nouveau en compagnie de Jean-Marc. Nous abordons ensuite une longue descente puis une traversée de plateau assez longue. Nous passons par quelques zones humides, des tourbières, alternant avec des zones plus rocailleuses. Nous sommes à nouveau exactement sur le même tempo avec Jean-Marc, alternant course et marche selon le terrain. Nous rejoignons et dépassons Béto, semble t il peu à l'aise dès que c'est plat. La zone est quasiment déserte mais comme nous descendons régulièrement, nous allons retrouver un peu de vie plus bas.
Nous dégringolons ainsi jusqu'à une rivière et frôlons le village de Huayllapa. Nous retrouvons, en descendant sous la barre des 4000 mètres, les cultures, la végétation, la vie. Mais le temps de régler un nouveau péage (officiel celui là) et nous repartons vers le haut pour une dernière ascension de 700 mètres. J'attaque cette pente un peu devant Jean-Marc et tente de monter régulièrement. Certains passages sont bien raides, il faut tirer sur les bâtons et les mollets. Ca passe tout de même bien, d'autant plus que le chemin, bordé de cascades, est bien agréable. Devant moi, une caravane de mules, précédée de peu par Fanny. Je parviens sans trop de mal au sommet où nous attendons tous les derniers coureurs, Jean-Michel et bien entendu notre staff logistique, Marc, les muletiers et les mules. Il fait un peu froid mais ce moment convivial est agréable, surtout dans un tel environnement. Nous allons camper un peu plus loin et nous réfugions assez vite sous la tente messe, après avoir admirer un nouveau coucher de soleil et surtout un lever de pleine lune pile au dessus des cimes.
C'est une étape plus courte qui nous attend le lendemain et dois nous ramener au bord de Jarucocha où nous avions déjà campé après la seconde étape. Nous commençons, c'est devenu une habitude, par grimper un col. Un col qui culmine à 4800 mètre, mais que nous attaquons à 4400 mètres, ce qui rend l’ascension assez courte. Je l'effectue en compagnie de Vincent et Jérôme, nous grimpons à un rythme régulier à travers un chemin large, tout juste rénové. Nous croisons, peu avant le sommet, des ouvriers qui portent de lourds panneaux. Ils sont, nous expliquent ils, destinés à la mine toute proche. Une mine qui doit être creusée à près de 5000 mètres d'altitude. L'origine de l'expression "c'est pas le Pérou" provient des nombreuses mines d'or que comptait le pays au XIXe siècle. Même si cet eldorado s'est un peu tari, il en reste. Sur ces entrefaits nous continuons notre route.Ever, le second coureur péruvien (qui s'est pas mal perdu les jours précédents: bien qu'il habite tout près il n'avait jamais parcouru la Huay Huash) caracole juste devant nous. Il procède par accélérations, courant dès qu'il le peut. Il est très motivé en tous cas. Je le suis un peu moins... Après un nouveau péage, nous abordons la deuxième difficulté du jour. Un beau col, au chemin en balcon. La montée n'est pas facile.
C'est cependant la descente qui me semblera la plus dure à gérer. Je ne suis décidément plus vraiment dans le coup et j'ai du mal. Coincé un moment derrière une troupe de mule sur un chemin très étroit et plein de poussière, je n'avance guère. Pourtant la laguna est tout près, au pied d'une dernière butte. Dominique a dévalé à toute allure, Vincent et Jérôme, gentiment, m'attendent un peu pour terminer avec moi. Il fait chaud et le soleil brille sur les rives où nous nous installons. Ca nous change agréablement des derniers soirs plutôt frisquets. Mais le soleil se retire vite derrière des nuages gris et la température retombe aussitôt. Peu importe, nous sommes bien et goûtons avec plaisir cette dernière soirée dans les montagnes. Demain, déjà, il nous faudra redescendre vers Llamac et rejoindre la ville.
Cette dernière étape ne me "tente" pas vraiment car il s'agit en fait du trajet en sens inverse que nous avions parcouru le 2em jour. Nous repassons le col de Pacha Llamac avant de basculer vers le village. Je ne suis plus guère motivé et je prend donc le temps de regarder les montagnes et les chaos rocheux que nous traversons. Arrivé au col, je discute un peu avec Jean-Michel, parti un peu plus tôt et qui réalise un joli dernier plan de la course. La descente me paraîtra particulièrement longue et fastidieuse. Je pense qu'une certaine fatigue, du sans doute à l'accumulation de kilomètres et de voyages, s'est faite sentir pour moi durant ces derniers jours. J'ai toujours autant de plaisir et d'envie d'être sur les sentiers et de cheminer, mais la soif de compétition est sans doute trop étanchée. En tous cas pour le moment.
Cela dit ce n'est pas l'essentiel. J'ai fait un beau voyage à pied sur cette Huay Huash et c'est ce qui compte le plus pour moi aujourd'hui. La compagnie était bien sympathique, entre des amis de longues dates et des rencontres bien intéressantes, ce qui ne gâtait rien!
Pour faire un petit retour sur le côté sportif des choses, c'est bien évidemment Christophe, qu'on arrête plus cette saison, qui l'a emporté devant Beto et l'inusable, c'est le terme, Pascal. Chez les filles Fanny l'emporte devant Aline.
Ce tour de la Huay Huash m'aura en tous cas fait découvrir les Andes et un pays au potentiel extraordinaire pour le trail, le trek et tous les sports outdoors en général. J'y reviendrai sûrement...