En l’espace de 42,5 km contre la montre, à Grenoble, l’Australien, venu du VTT, a débordé les deux frères luxembourgeois Andy et Frank Schleck, ses adversaires directs, qui ont montré une fois de plus leurs limites dans cet excercice particulier et sur un terrain qui ne leur était pourtant pas défavorable. Un dénouement prévisible, certes, eu égard aux qualités de rouleur d’Evans. Mais encore fallait-il être à la hauteur du défi et dominer la fatigue de trois semaines de course. Occulter aussi, dans son esprit, l’échec mortifiant de 2008 face à Carlos Sastre alors que, dans les mêmes circonstances, la victoire finale lui tendait déjà les bras.
En terminant deuxième à 7 secondes du vainqueur du jour, le spécialiste allemand Toni Martin, engagé dans une autre course, un autre combat, Evans a confirmé qu’il était bien l’homme fort de ce Tour 2011, n’en déplaise aux grincheux et aux pisse-froid, comme dirait l’ami Brouchon. Certes, les frangins luxembourgois lui auront mené la vie dure en montagne mais, dans cet unique exercice individuel, ils n’ont pas existé, vaincus par leur manque de puissance et sans doute aussi par l’importance de l’enjeu et la pression.
Après 15 kilomètres, Andy Schleck avait déjà perdu 36’’ de ses 57 secondes d’avance et son maillot jaune, conquis la veille à l’Alpe d’Huez, ne tenait déjà plus qu’à un fil. Idem pour Frank, lui aussi débordé par le rythme infernal imposé par Evans dès le départ. A mi-course, la messe était dite et désormais l’Australien allait creuser l’écart avec brio, sans jamais faiblir ni relâcher son effort, venant même inquiéter Toni Martin pour une deuxième victoire d’étape (il a gagné à Mur-de-Bretagne). Finalement Andy Schleck concèdera 2’31 et Frank 2’34 à un Cadel Evans plus déterminé que jamais, irrésistible et magnifiquement récompensé des nombreux déboires qui ont marqué sa carrière.Cette consécration tardive résulte aussi d’une minutieuse préparation. A plusieurs reprises, Evans et l’état-major du Team BMC sont venus en reconnaissance sur ce parcours exigeant et sélectif. Ils n’ont pas hésité à soigner les détails. Une initiative heureuse qui a permis à Evans de s’offrir un réel avantage sur les deux frères Schleck et de maîtriser parfaitement la gestion de son effort et les trajectoires. Comme une affaire bien préparée.
A l’échelon du dessous, il n’y a pas eu de miracle cete fois pour Thomas Voeckler, détrôné la veille et qui échoue malheureusement au pied du podium pour 50 secondes, comme on le pressentait. Avec cette 4ème place finale, il signe toutefois l’une des plus belles performances de sa carrière. Son coéquipier Pierre Rolland, à la lutte avec l’espoir estonien Taramae, enfile le maillot blanc de meilleur jeune et s’annonce, à 24 ans, comme le coureur français de demain. Tous deux apportent de grandes et belles satisfactions à Jean-René Bernaudeau, patron comblé de l’équipe Europcar.
A signaler tout de même la réaction d’orgueil d’Alberto Contador, sorti du jeu depuis son échec du Galibier. Sur un terrain à sa convenance, exigeant et sélectif, avec notamment la montée sur Chamrousse, une porte de sortie inespérée lui était offerte, comme en 2009 du côté d’Annecy. L’Espagnol (3ème à 1’06) a toutefois confirmé qu’il n’évolue pas à son meilleur niveau, comme il y a douze mois… Ce qui n’est pas le cas de Cadel Evans, toujours là, et bien là. Et avec panache.
Bertrand Duboux