Roman - 125 pages
Editions Babel Poche - janvier 2004
Editions Livre de Poche - octobre 2005
Un premier roman à lire ! Encore un livre sur la guerre, pourrait-on entendre. Cela ne donne pas forcément envie et c’est vraiment dommage. Cris est un roman utile, un livre essentiel. Par ses mots d’une véracité stupéfiante, Laurent Gaudé nous donne l’illusion de vivre de près les combats terribles et les mouvements dans les tranchées de ces hommes auxquels on pense peu. Comme Le grand voyage, de Jorge Semprun qui évoque celle la seconde Guerre Mondiale, Cris relaye une histoire dont les aspects concrets ont été longtemps tus, alors que, justement, ils sont les éléments incontournables d’une prise de conscience qui se transmet mal par les manuels d’histoire.1914. Loin de la population, des hommes se terrent dans les tranchées. Que ce soit Marius, le lieutenant Rénier, le Médecin de guerre, Jules, M’Bossolo… tous parlent avec leurs mots de ce qu’ils sont en train de vivre… ou de mourir. Cette horreur innommable, ces agonies, cet enfer, et surtout cette peur qu’il faut bien surmonter ; cette peur et cette douleur relayée par ces cris glaçants qui retentissent si fréquemment… Nul ne sait de qui ils émanent, s’ils sont fils ou parent des combats…
Extrait :"Nous ne pouvons ni rapatrier les blessés ni enterrer nos morts. L'ordre était de tenir jusqu'à de nouvelles instructions. Il faut attendre. Les blessés essaient de se protéger contre la pluie. Ils se serrent et frémissent de tout leur corps. Et les morts, au fond des tranchées, se laissent submerger par la vase. Leurs cheveux baignent dans la boue. La pluie, petit à petit, les engloutit. Il faut attendre et s'habituer à la présence silencieuse de ces cadavres que la pluie ne fait pas cligner des yeux ni le froid grelotter. Ils nous tiennent compagnie. Ils nous tiennent."Le récit de cette guerre s’est en grande partie perdu dans les champs de bataille et les tranchées dans lesquelles tant de soldats ont péri. Et, à l’image d’un des personnages de Cris, quand les déserteurs tentaient d’évacuer leurs souvenirs horribles en les racontant dans les villages, c’étaient des pierres qu’ils recevaient pour leur rappeler l’incivisme de leur acte.
De manière chronologique, les paroles de ces quelques personnages si réalistes alternent. Leurs mots, leurs silences, nous plongent dans l’horreur, la peur, les doutes et les ultimes solidarités. C’est poignant. Ce texte est beau. Travaillé par l’auteur du Soleil des Scorta, les monologues prennent parfois des mélodies poétiques. [merci Anne de Rennes !]
Monument aux morts - InColdBlog