Il a perdu pied. Quand on écoute Nicolas Sarkozy, on en devient gêné. Un peu comme avec un proche qui se comporterait mal en public. Ce n'est pas l'âge, Sarkozy est encore jeune. C'est sans doute l'inquiétude, le narcissisme ou la distance que créé le pouvoir avec la réalité.
Pour cette 220ème semaine en Sarkofrance, Nicolas Sarkozy et son aréopage de communicants nous ont fait honte puis nous ont rire.
Sarkozy le Rambo
Lundi, Nicolas Sarkozy terminait son weekend de quatre jours au Fort de Brégançon. Il était sur le tarmac d'Orly, en soirée, pour accueillir les cercueils de 7 soldats français récemment tués en Afghanistan.
Mardi, le show était en place, les chaînes de télévision convoquées pour filmer, écouter puis commenter l'hommage du Monarque aux sept tués. Sarkozy voulait ressembler à Clémenceau, il était Rambo. L'Afghanistan, c'était sa guerre contre le Mal ( « Vous êtes tombés dans une guerre où des assassins fanatiques et sans honneur cherchent à asservir par la terreur des hommes, des femmes et des enfants désarmés que vous aviez mission de protéger contre cette violence aveugle et meurtrière.»). Ce mardi, il pleuvait à verse, les cercueils avaient été placés au centre de la cour des Invalides, des caméras nous offraient une vue aérienne de l'évènement. La mise en scène fut écoeurante, presque aussi écoeurante que le discours du Monarque : « Vous n'êtes pas morts pour rien. Car vous vous êtes sacrifiés pour une grande cause. Vous avez défendu les plus belles valeurs de notre pays. (...) Vous êtes morts pour la grande cause des peuples libres qui ont payé leur liberté avec le sang de leurs soldats.»
Depuis 2007, 56 soldats français ont été tués, soit 80% des morts français au combat depuis le début de l'intervention. A 8 mois de l'élection présidentielle, Sarkozy avait choisi ces 7 soldats-là pour un hommage. N'y voyez aucun hasard. Tout est bon pour une réélection. Quant à faire le bilan des 4 dernières années d'opération militaire en Afghanistan, pas question ! C'est pourtant un fiasco : pays corrompu, plaque tournante de la drogue, insécurité endémique, etc.
Ailleurs en Europe, le monde tremblait. On ne savait plus si l'euro passerait la semaine. Mais Sarkozy n'en avait cure. Dans les coulisses élyséennes, on avait la tête ailleurs. C'était le branle-bas-de-combat. L'hebdomadaire Gala publiait des photos d'une Carla Bruni-Sarkozy enceinte recevant des épouses de soldats le 14 juillet dernier à Brégançon. Sacrilège ! L'opération, largement médiatisée (elle figurait sur le programme officiel !), devait rester locale, provinciale, faussement discrète. Il fallait faire croire au bon peuple que la Reine Carla pensait à nous, mais sans en faire trop. Catastrophe médiatique ! Le plan de com' tombe à l'eau.
Sarko le Zorro
Mercredi et jeudi, Nicolas Sarkozy sauvait, pêle-mêle, la Grèce, l'euro, l'Europe, notre avenir de Français bienheureux et la stabilité du monde. Avec son gros Airbus transatlantique et deux Falcons 7X, il fila à Berlin négocier sept heures durant (notez la précision horaire !). Angela l'inflexible, sa collègue Merkel qu'il chérissait tant, refusait d'aider les pauvres Grecs. Le climat, anxiogène à souhait, le sert bien dans son entreprise de reconquête électorale.
Une fois de plus, les communicants de l'Elysée avaient décidé de personnaliser au maximum l'opération. Sarkozy est parti seul avec ses conseillers. Fillon, Pécresse, Baroin et même Juppé furent exclus de toute photo officielle. Notre Monarque, si brillant, devait convaincre l'irresponsable Merkel, terrasser « l'égoïsme allemand criminel ».
On abusa des habituels éléments de langage : la chancelière allemande attendait « l'entrée en scène de Nicolas Sarkozy pour faire un pas en avant »; les deux négocièrent « 7 heures d'affilée ». Le lendemain matin, motus et bouche cousue. Rien ne filtre. Sarkozy et Merkel ne dévoilèrent rien. Les 17 chefs d'Etats de l'eurogroup s'enferment. Quelques fuites font penser que les discussions sont rudes; le suspense est à son maximum. Tard dans la soirée, Sarkozy arriva enfin souriant, pédagogue comme d'habitude. Angela Merkel attendit sur le trio Van Rompuy (président de l'UE), Barroso (président de la Commission) et Papandréou (premier ministre grec) s'expriment. Sarkozy n'eut pas cette patience ni cette courtoisie.
Il lui fallait se pavaner : 109 milliards d'euros de prêts à la Grèce, un abaissement des taux de prêts, une contribution volontaire du secteur privé pour 37 milliards, un Fond Européen de Stabilisation Financière doté de pouvoirs élargis... Qui dit mieux ?
Fallait-il applaudir ?
Sarko le zozo
La réalité était malheureusement bien différente. D'abord sur le rôle réel de Sarkozy. Quand il arrivait à Berlin, Angela Merkel était mure. Barack Obama l'avait appelée la veille pour qu'elle s'assouplisse. Ensuite, Sarkozy dut céder sur bien des points, la quasi-totalité du plan européen s'est bâtie contre lui: il refusait tout abandon de dette, Merkel obtint que la Grèce puisse être en défaut partiel de paiement. Il ne voulait pas d'obligations européennes, le FESF pourra enfin emprunter et prêter. Il refusait toute contribution du secteur privé. Il dut en accepter le principe, à hauteur de 37 milliards d'euros.
Enfin, on notera son attitude quasiment criminelle face à la crise européenne depuis 2007. Loin de favoriser la constitution d'un gouvernement économique européen qu'il se plaît officiellement à défendre, notre Monarque a privilégié les relations bilatérales ou centrifuges (union méditerranéenne, alliance militaire franco-britannique, refus d'un ministre européen des finances, etc.).
Sur le plan lui-même, il faudrait éviter les célébrations prématurées. C'est d'abord la troisième fois en un peu plus d'un an qu'on nous fait le coup du conseil décisif. Ensuite, sans attendre la conclusion du sommet européen, les Bourses clôturaient en hausse jeudi soir. C'était un signe. Pas de contribution obligatoire des institutions financières (banques, assurances). Enfin, qui paiera l'addition ? Nous, vous, les citoyens. Sarkozy, comme les autres présidents, a du signer un engagement de retour du déficit budgétaire à moins de 3% du PIB au plus tard dans deux ans, alors que le plan européen alourdit de 15 milliards d'euros l'endettement national.
Hasard heureux ou forcé, la Direction générale des finances publiques publiait son rapport d'activité 2010 ce vendredi. On put se réjouir qu'elle ait récupéré quelques 16 milliards d'euros d'impôts grâce à ces contrôles (versus 14,7 milliards en 2009). L'hebdomadaire Marianne pointait son attention, ce samedi, sur l'un de ces fraudeurs épinglés par le fisc, Mme Bettencourt et son immense fortune. La milliardaire avait plaidé la bonne foi, abusée qu'elle était par quelques proches indésirables. Selon l'hebdomadaire, elle doit entre 30 et 50 millions d'euros d'impôts. Pensez-vous que c'est grâce aux minutieux contrôles fiscaux diligentés par Bercy l'an passé ? Et bien non ! C'est grâce à ... Médiapart, ce site accusé des pires maux par les suppôts de Sarkofrance. Mais chut ! Ne le répétez pas (*). En juin 2010, Mediapart avait publié les enregistrements pirates des conversations entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre. Et c'est ainsi que fut révélé publiquement l'ampleur de la fraude fiscale de la milliardaire.
Cette semaine, Mediapart continuait son enquête sur l'ami Ziad Takieddine. Dimanche dernier, il nous révélait comment Takieddine a été sauvé par Jean-François Copé en 2004. Ce dernier, alors ministre, avait fait rapatrié son ami Ziad de l'île Moustique après un « accident ». Jeudi, on découvrait comment Takieddine était l'intermédiaire secret du couple Sarkozy/Guéant auprès du colonel Kadhafi. De la libération des infirmières bulgares (en juillet 2007), à la conclusion de quelques juteux contrats d'armement l'an dernier, Takieddine a bien aidé. Et en retour, d'après des documents publiés par Mediapart, l'équipe Sarkozy a tout fait pour blanchir le beau-frère de Kadhafi, Abdallah Senoussi,, également patron des services spéciaux libyens et condamné le 10 mars 1999 à une peine de perpétuité en France dans l'affaire de l'attentat contre le DC10 d'UTA. On aurait pu aussi parler de Dédé-la-Sardine et de Bernard Tapie. Ou des prochaines nominations à la tête de la Justice. N'en jetez plus.
Vendredi, un grave attentat ravageait des bâtiments officiels d'Oslo. Plus loin, un tireur isolé faisait feu sur la foule lors d'un rassemblement politique tuant 84 personnes. En Norvège, samedi matin, on évoque l'extrême droite. .
Sarkozy s'indignait, très vite, très brièvement. On imagine le cirque qu'il nous aurait fait s'il s'était agit d'un attentat islamiste.
Ami sarkozyste, où es-tu ?
(*) L'auteur de ce blog n'a aucun intérêt professionnel ni pécunier avec Mediapart .