Écrit par Mutations
Vendredi, 22 Juillet 2011 16:19
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Les nouveaux accords signés hier entre le Cameroun et la Chine s'inscrivent dans le prolongement de la politique de coopération de nos deux pays. Depuis 1985, date de la 1ère visite en Chine de M. Biya, la coopération entre nos deux pays a pris de l'ampleur et embrasse désormais tous les secteurs de
l'activité économique et sociale. Le montant des dons et prêts octroyés par la Chine au Cameroun dans le cadre des sept derniers accords est relativement modeste (environ 43 milliards de Fcfa), mais il concerne des secteurs intéressants sur le plan social et technique. Il y aura un impact positif dans le domaine de la santé par exemple.
Quelle analyse suscite en vous le contenu même de ces accords ?
Le contenu des accords reflète les ambitions modestes du Cameroun. Le régime de M. Biya se contente d'emprunter de l'argent chinois pour équiper avec du matériel chinois des hôpitaux construits par des Chinois! Un autre volet des accords autorise des hommes d'affaires et des fonctionnaires chinois à entrer et sortir du Cameroun sans restriction! Manifestement, le régime de M. Biya «subit» la coopération et n'arrive pas à se fixer des objectifs cohérents et ambitieux.
La Chine continue ainsi de se positionner comme partenaire incontournable du Cameroun...
La Chine est un partenaire important du Cameroun. Elle a une stratégie claire, c'est celle d'un pays qui ambitionne d'être la première puissance économique et politique du monde dans quelques décennies. Il revient à notre Etat de définir tout aussi clairement nos objectifs et nos ambitions.
Dans cette coopération, que donne le Cameroun à la Chine ?
Bien que la Chine ne s'oppose en rien à ce que notre pays élabore une stratégie de coopération win-win (gagnant-gagnant, ndlr), le régime de M. Biya a choisi de reproduire avec la Chine ce qui se fait depuis 60 ans avec l'Occident. Vers la Chine, le Cameroun exporte des matières premières à l’état brut comme le pétrole, le bois, le coton et l'huile de palme. Nous connaissons les résultats que produit ce modèle de coopération: détérioration des termes de l'échange, appauvrissement des travailleurs des secteurs primaires exportateurs, non appropriation des technologies de conception et de transformation et donc faible industrialisation, déficit de la balance commerciale. Pour 2010, on avance le chiffre de 80 milliards de Fcfa de déficit de la balance commerciale camerounaise vis-à-vis de la Chine!
La montée en puissance de la coopération entre les deux pays n'est-elle pas une sorte de pied de nez du Cameroun à l'endroit de ses partenaires traditionnels comme la France ?
La coopération chinoise monte en puissance dans tous les pays africains pour deux raisons fondamentales: les partenaires traditionnels de l'Afrique, à savoir les Etats unis d’Amérique et l'Union européenne, connaissent depuis 20 ans un déclin économique qu'il n'est pas exagéré de qualifier de structurel. L'endettement de ces pays est égal et parfois supérieur à leur Pib.Les crises financières à répétition qui secouent ces pays témoignent de leur fragilité et limitent de ce fait leur capacité à financer la coopération avec les Etats tiers, mais surtout à soutenir la compétition avec la Chine qui a accumulé d'impressionnantes réserves financières grâce à 20 ans d'excédents commerciaux avec les U.S.A. et l'Union Européenne. La Chine n'exige presque pas de conditionnalités dans sa coopération avec les pays africains. De sa non ingérence dans les affaires intérieures de nos pays, elle attend un soutien diplomatique de sa politique de grande puissance et l'ouverture de nos marchés.
La coopération économique entre les deux pays est-elle de nature à contribuer efficacement au développement du Cameroun ?
Chaque pays doit définir sa politique économique et plus généralement sa politique de coopération en fonction de ses intérêts et de ses atouts. L'avantage de coopérer avec la Chine est évident. C'est un pays qui a l'expertise d'un pays arriéré qui a réussi à se hisser au sommet du monde grâce à des choix économiques judicieux. C'est un partenaire respectueux de ses vis-à-vis. Le financement et la construction des infrastructures énergétiques et de communication sont assurément susceptibles de promouvoir le développement du Cameroun encore faut-il s'assurer qu'un réel transfert de technologie s'opère lors de ces grands travaux. Il faut toutefois aller plus loin et entrevoir l'industrialisation de notre pays avec le soutien chinois, chose que l'Occident ne fera jamais. C'est à cette condition que la coopération avec la Chine pourra nous permettre de nous développer.