Lors de la première journée de Roland Garros, Llodra menait au premier set et servait au deuxième, pour recoller au score à 5/2 en faveur du Belge Steve Darcis. La tension est dans le camp de Llodra, visiblement gêné par une hôtesse dans les tribunes qui ne cesse de « gesticuler ».
Llodra s’interrompt et regarde dans les gradins puis envoie une balle vers la tribune, mais sans agressivité, histoire de relâcher la pression. Le public réagit positivement à cette action et pourtant Llodra écope d’un avertissement de l’arbitre. Ce qui paraissait à ce moment-là un clin d’œil envers l’hôtesse devient alors une source d’énervement pour Llodra qui s’emporte et parle à l’arbitre ainsi :
« Fais ton boulot ! Fais ton boulot et après d’accord ! Ok. Ça fait trois fois que je le dis, t’as pas appelé la sécurité, t’as rien fait alors ne me met pas de warning quand tu ne fais rien, on n’est pas au souk ici, on ne vend pas des tapis sur un marché, ne me mets pas un warning quand t’as pas fait ton boulot ».
Comment interpréter ces propos ? Il faut déjà replacer les choses dans leur contexte. Llodra sert pour recoller au score et se voit mener au deuxième set. Il perd sa concentration assez facilement et prend pour objet de son énervement cette hôtesse qui gesticule. Si llodra avait été totalement concentré dans son match, il ne se serait pas préoccupé des déambulations dans les gradins.
Force est de constater que Llodra ne se sentait pas en confiance à la fin de ce deuxième set et que son énervement traduisait ses doutes. Sa réaction face à l’avertissement de l’arbitre, qu’il ressent comme une injustice, est à relier à cet état d’énervement.
Llodra s’est plaint plusieurs fois de cette hôtesse à l’arbitre, qui n’a sans doute pas jugé la plainte comme recevable. Alors qu’il prononce l’avertissement, LLodra ne comprend pas la sanction et va tout simplement s’emporter sans réfléchir à ses mots. Ses mots d’ailleurs ressemblent plus à une boutade, où là encore il tente de refaire descendre la pression par de l’ironie.
Faut-il accuser Llodra de racisme parce que l’arbitre est marocain et qu’il a dit « On n’est pas au souk ici, on ne vend pas des tapis sur un marché » ? Selon moi, ces mots ne sont pas prononcés à l’égard de l’arbitre, mais renvoient plutôt à la situation : on est censé être discipliné et silencieux dans les gradins d’un match de tennis. Ceci est un mécanisme de défense face à cette injustice qu’il ressent et à aucun moment on ne sent un manque de respect de la part de LLodra, qui d’ailleurs tutoie l’arbitre.
Les médias semblent avoir oublié les frasques de Mc Enrœ, qui usait et abusait de sa réputation de colérique pour s’en prendre aux arbitres. En ce temps là, les règles étaient beaucoup moins strictes et les joueurs beaucoup moins cadrés que maintenant. On se souvient également de la réaction de Serena Williams avec une arbitre de ligne, dont la sanction lui a fait perdre le match.
A la différence de Llodra, sa réaction était réellement agressive, pas seulement dans les propos mais aussi dans la manière de parler à l’arbitre. Il est normal que l’arbitre ait sanctionné cet écart de conduite. Cependant, les joueurs connaissent maintenant les règles et le moindre écart peut leur être fatal.
Alors pourquoi certains d’entre eux réagissent face à l’arbitre ? L’arbitre fait partie du jeu à part entière, il est le seul décideur, et détient donc un pouvoir important. Ceci nécessite alors une forme de respect et de confiance des joueurs professionnels envers les arbitres, car chaque point est crucial. Les erreurs d’arbitrage font également partie du jeu et un joueur professionnel se doit de ne pas réagir vivement et ainsi de ne pas se déconcentrer au cas où il n’est pas en accord avec la décision de l’arbitre.
Mais lorsque la situation est déjà défavorable, que le doute s’installe dans l’esprit du joueur et que la confiance s’étiole, le moindre événement peut agacer, voire énerver jusqu’à un point où le joueur n’arrive plus vraiment à faire abstraction. Il peut s’en prendre à l’arbitre pour un fait qui lui semble légitime, le plus souvent une erreur d’arbitrage ou un manque de discipline comme ici. Mais cette réaction est avant tout une projection de son propre énervement, dont l’arbitre devient alors le coupable idéal.
Sans vouloir défendre Llodra, Roland-Garros est un tournoi particulier pour un Français, où la pression et l’attente des médias et du public est plus importante qu’ailleurs. Llodra n’a sans doute pas su gérer son émotivité pendant ce match, et s’emporter ainsi ne fait que montrer sa frustration de ne pas avoir été à la hauteur ce jour-là. Sans doute, les médias n’auraient-ils rien dit si Llodra avait gagné.