20XX : un virus d’origine inconnu décime l’humanité. Une centaine de patients se voient cryogénisés pour stopper leur infection le temps qu’on trouve un remède. Mais à leur réveil, le complexe est devenu un enfer de ronces géantes et de créatures infernales. Conflits et luttes de pouvoir déchirent la poignée de survivants alors que seule l’entraide peut leur permettre de s’en sortir et d’atteindre l’extérieur. Pourtant, rien ne les assure que les choses vont mieux dehors…
Sous ses dehors de thriller orienté action aux nets relents de nanar post-apocalyptique de la fin des années 70, Le Roi des ronces s’affirme en fait comme un drame psychologique. Sous bien des aspects d’ailleurs, il rappelle beaucoup des films tels que Cube (Vincenzo Natali ; 1997) ou Alien, le Huitième passager (Ridley Scott ; 1979), avec parfois quelques accents évoquant Matrix (Andy & Larry Wachowski ; 1999) sur certains points. En fait, Le Roi des ronces frôle le huis-clos intimiste, aussi surprenant que ça puisse paraître, mais les connaisseurs en matière de mangas et d’animes savent bien qu’on ne doit pas juger les qualités intellectuelles d’un récit à la quantité de coups de feu qui le rythment…
Les esprits chagrins, quant à eux, ne manqueront pas de souligner l’improbabilité d’un virus pouvant transformer son hôte en pierre en l’espace de quelques instants à peine ; sans compter que tuer son porteur de la sorte réduit considérablement ses chances de se diffuser, c’est-à-dire de survivre, ce qui contredit donc tout ce qu’on sait sur les lois de l’évolution. Mais ce serait oublier que ce virus, de toute évidence, sert juste de base au récit, de justification pour conter l’aventure de survivants qui s’éveillent dans un complexe cryogénique sans savoir combien de temps ils ont dormi, ce qui rajoute donc à leur stress et ainsi aux diverses tensions qu’ils devront affronter.
Ce virus reste un détail sans importance, en somme. Ce qui compte ici se présente comme il se doit sous la forme des personnages et de leurs interactions, et donc de leur passé respectif qui a conditionné le développement de leur psyché pour aboutir aux caractères qu’on observe. Sur ce point, vous ne serez pas déçu, même si le scénario se concentre sur une des survivantes en particulier en effleurant à peine les quelques autres, bien que d’une manière qui ne manque pas de subtilité malgré tout : si on voit rarement un personnage aussi tourmenté sans ressentir l’envie de le claquer pour lui remettre les idées en place, ici, la magie opère sans difficulté, et la révélation finale en surprendra plus d’un.
Plus qu’une réflexion sur l’identité, un thème à présent bien assez examiné pour tomber vite dans la redite, Le Roi des ronces s’affirme surtout comme une excellente illustration de notre besoin viscéral de l’autre, de son approbation, de son respect, de son aide, de son amour enfin. Car si notre identité dépend de la perception d’autrui, cette dernière ne nous importe que parce que l’autre fait partie de nous, de nos vies, que parce que son existence nous concerne. C’est le privilège de l’être humain, dont les capacités d’empathie (1) dépassent celles de tous les autres animaux : notre plus grande faiblesse mais aussi notre meilleur atout – après tout, c’est bien ce qui nous a permis de bâtir des civilisations.
Ajoutée à ça une qualité de réalisation de très bonne facture, mais pas exempte de quelques défauts ponctuels, heureusement assez discrets, et vous obtenez une production aux qualités certaines sur tous les plans.
Ce qu’on appelle un film à ne surtout pas manquer…
(1) le lecteur curieux d’en savoir plus se penchera sur le très excellent ouvrage de Frans de Waal intitulé L’Âge de l’empathie (Les Liens qui libèrent, 2010, ISBN : 2-918-59707-4). ↩
Note :
Ce film est une adaptation partielle du manga éponyme d’Yuji Iwahara actuellement en cours de publication en France chez Soleil Manga.
Le Roi des ronces (Ibara no Ō ), Kazuyoshi Katayama, 2009
Kaze, 2011
120 minutes, env. 20 €
- le site officiel du film (jp/en)
- d’autres avis : Horreur.net, Total Manga, Pixel’s Wave