Le sommet européen du 21 juillet 2011 est vraisemblablement historique.
Menacés d’un effondrement du château de cartes du crédit souverain, les états de la zone euro ont décidé de renforcer considérablement en volume et en instruments la solidarité financière entre les états membres et se sont engagés à retrouver la « rigueur » de déficits budgétaires limités à 3% du PIB dès 2013. Ils reportent une partie de la pression de leur propres contraintes budgétaires sur le secteur privé avec des programmes d’échanges de dette, de renouvellement sous garantie, ou de rachats à prix réduit qui avalisent de fait mais modèrent l’acuité du défaut de paiement la Grèce. Ils déclarent solennellement qu’aucun autre état que la Grèce ne fera défaut.
Le plan est établi dans ses grandes lignes mais des détails importants restent à fixer, notamment les considérables montants de certaines dotations. Le FESF, actuellement doté de 440 milliards d’euros verra sa dotation renforcée et en outre pourra intervenir sur les marchés pour racheter des dettes souveraines. Les états membres constatent les efforts importants d’austérité menés par la Grèce et consentent à augmenter leur solidarité financière avec elle. La dette grecque sera la seule à faire défaut partiel mais les dettes portugaises et irlandaises seront elles aussi restructurées, avec des échanges de titres permettant à ces états de bénéficier des conditions de crédit de structures communautaires européennes et d’alléger ainsi considérablement les taux d’intérets actuellement versés par eux.
De grands acteurs privés ont donné leur accord pour contribuer à ce plan. Entre autres contributions, ils renouvelleraient à 30 ans des bons du trésor en contrepartie de leur adossement sur d’autres titres notés au meilleur niveau AAA échangeables en cas de défaut. Ainsi la monnaie n’est pas spécifiquement prise en otage par un état individuel, la liberté des entreprises financières de disposer de leurs investissements est respectée, et la charité étatique de la zone euro sera financée de façon inter étatique, directe (FESF) et indirecte (échangeabilité).
En d’autres termes, ce plan avalise un défaut partiel grec et transfère le risque de futurs défauts grecs aux autres états membres mais réduit ce risque (grâce à la restructuration de la dette) en contrepartie d’une réduction de la capacité d’emprunt des autres états membres et du tribu issu du secteur privé (constitutif du défaut partiel avalisé). En outre il est permis de penser que les entreprises financières portant des titres souverains dotés d’une garantie d’échange prennent un risque spécifique, découlant d’aléas économiques mais peut-être aussi politiques. Cet accord consacre donc, au delà du défaut partiel grec, la solidarité financière au sein de l’UE avec ses avantages (stabilité) et ses inconvénients (aléa moral et lentes dérives vers le surendettement communautaire). On peut hélas émettre d’énormes doutes sur la capacité des états membres à respecter l’objectif de « rigueur », pourtant laxistement minimaliste, consistant à limiter le déficit budgétaire à 3% du PIB. Cependant cet objectif aura le mérite de fournir un argument important pour imposer au sein de chaque pays une partie des efforts de rigueur qui sont nécessaires pour éviter la faillite des lourdes démocraties sociales européennes dont nombre sont démagogiquement proches du surendettement.
Cet accord a été en premier lieu élaboré mercredi par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avant d’être débattu et amendé lors des négociations plénières de ce jeudi. Les états du nord de l’Europe, Allemagne et Finlande en tête, ont défendu l’orthodoxie, les états du sud ont défendu la solidarité communautaire. Le prestige personnel de Nicolas Sarkozy et de Jean-Claude Trichet sortent renforcés. Nicolas Sarkozy est crédité de l’initiative du plan ; il a cependant du renoncer à son projet d’impôt bancaire jugé inique et impraticable par Angela Merkel. Jean-Claude Trichet a pérennisé son refus de voir la BCE accepter à nouveau en gage de la dette grecque trop incertaine, la charité envers un état membre particulier n’étant pas la fonction de la BCE. Certaines personnalités de la gauche française critiquent ce plan. Ségolène Royal parle de « colmatage provisoire » et Jean-Luc Mélenchon estime que « la course à l’abîme continue » et que « le caractère antidémocratique de l’Union Européenne s’aggrave ».
Il semble que les marchés accueillent favorablement ce plan, malgré le défaut partiel qu’il consacre. En cours de séance à l’annonce d’un défaut grec partiel l’Euro a perdu environ 2% face au dollar mais semble avoir retrouvé un peu de vigueur en fin de séance, le plan annoncé apportant des éléments de stabilisation.