Au fond de moi, je sais que je finirais bien par m’en remettre, de rater quelques films en plein été, mais rien n’y fait, à quelques jours de quitter Paris pour les vacances, j’essaie d’en voir un maximum entre les derniers préparatifs. Mercredi, j’ai trouvé le temps de voir deux films, et la coordination programmatrice a fait que j’ai enchaîné deux films ayant à des degrés divers la religion pour toile de fonds.
Évidemment, avec Le Moine de Dominik Moll, le contraire eut été pour le moins étonnant. La déception de ne pas voir le film sélectionné à Cannes, une bande-annonce peu excitante, des critiques souvent à peine tièdes et un bouche-à-oreille peu enthousiaste n’ont pas entamé mon envie de voir Vincent Cassel en homme d’église (le film faisait partie de mes plus attendus de l’année 2011). Rétrospectivement, je me dis tout de même que les signes étaient pourtant clairs. Rien ne m’aurait détourné de mon envie, mais il faut bien avouer qu’au final, le film tant attendu a fait un joli petit pschhhhit tout dégonflé.
Dans cette Espagne très croyante, dans ce monastère au milieu de rien, ce prédicateur nommé Ambrosio interprété par Vincent Cassel aurait pu être l’anti-héros d’un film sombre, inquiétant, vibrant, fou et fascinant. Pourtant l’œuvre de Matthew Lewis n’a pas donné lieu à une adaptation filmée très motivante. Il y a des semblants d’atmosphère, des débuts de fièvre, les prémices d’une folie… mais tout cela reste bien trop sage. Malgré le jeu fin et tout en retenue de Cassel, ou peut-être à son image, finalement, même si au niveau du jeu ce n’est pas un reproche. Moll aurait pu nous traîner hors des sentiers battus, vers l’inattendu, or il se contente de se balader dans des zones d’ombre trop éclairées, trop visibles, trop prévisibles. Seul le dernier acte, court, ose s’aventurer, trop tard et sans que cela soit vraiment raccord avec le reste du long-métrage. Résultat mon état de somnolence a été constant pendant le film… dommage pour un film tant espéré.
En sortant de cette séance désespérément somnifère, la perspective de voir Le sang des templiers (Ironclad en VO) paraissait indécise, entre la crainte de retomber dans un cadre costumé et empreint de religion, et l’espoir d’être remué et réveillé par de l’action moyenâgeuse vivifiante. Ce que je n’ai pas vu venir, c’est le fil ténu qui pouvait séparer le film du nanar, sûrement à cause de la présence en haut de l’affiche de Paul Giamatti, qui s’il a eu droit à son lot dans le genre (le nanar) ne s’y frotte plus depuis quelques années.
Pourtant il y a bien un petit côté nanar dans Le sang des Templiers, qui finalement n’est pas visible immédiatement. Le film commence sérieusement, au temps des croisés, dans l’Angleterre du 13ème siècle, alors que le Roi Jean, frère du défunt Richard Cœur de Lion, tente de reconquérir par le sang son pays après avoir signé une charte donnant plus de liberté au peuple, une signature qu’il regrette amèrement. Jean veut retrouver son plein pouvoir et est prêt à écraser les rebelles pour l’occasion. Les rebelles ne sont pas nombreux, menés par un Baron ayant fait signé la Charte par le Roi et un Templier fatigué. Avec quelques hommes prêts à les suivre jusqu’au bout, les rebelles prennent un Château que convoite le Roi, décidé à faire le siège des mois durant pour le récupérer.
En fait certains l’auront deviné, Le sang des templiers, ça ressemble à une suite officieuse du Robin des Bois de Ridley Scott avec un Templier campé par James Purefoy en guise de Robin, le tout avec beaucoup plus de tranchant que dans le film de Scott. Les scènes d’action sont sanglantes, à coups de bras tranchés, de blessures profondes et visibles faites à la hache et d’autres petits plaisirs que savait si bien procurer le Moyen-âge. Ces séquences semblent finalement plus intéresser le réalisateur que tout le potentiel contextuel du film, la guerre civile anglaise, le déchirement de l’Église, l’ambigüité des Templiers. Tout cela est traité, mais trop en surface et au second plan pour que l’on prenne franchement le film au sérieux. En même temps en jetant un œil sur la filmo de Jonathan English, le réalisateur, on remarque que son précédent film s’intitulait Minotaur et avait de gros airs de nanar. Et arrivé à la moitié du film, on se rend compte que la romance improbable, un peu nunuche et ratée entre le Templier et la poupée bien roulée d’un vieux bourge homosexuel campé par Derek Jacobi, prend presque le pas sur le reste du film, à la grande joie de certains spectateurs dans la salle que toutes les scènes entre James Purefoy et Kate Mara (le templier et sa dulcinée adultère) faisaient bien rire. Et franchement je ne peux pas vraiment leur en vouloir.
En regardant le film, je me disais justement que James Purefoy faisait partie de ces acteurs abonnés aux rôles en costumes, si possible avec des chevaliers et des combats dans lesquels il peut faire les ténébreux mystérieux. Sérieusement, ce mec fait-il parfois autre chose au cinéma ? La dernière fois que je l’avais vu, c’était pour le même rôle ou presque dans Solomon Kane (oui, je suis allé voir ça au cinéma…). Mais il est ici entouré de quelques excellents acteurs et l’on se prend soudain à croire que le film est peut-être plus qu’une série B, mais non, Brian Cox, Derek Jacobi et Paul Giamatti n’y font rien, pas plus que le joli minois de Kate Mara (qui lui n’empêche jamais le statut de série B).
Maintenant ne vous méprenez pas, j’aime les séries B, j’aime les nanars, et malgré les violons des scènes romantiques entre le templier indestructible et la mariée vierge très fashion, Le sang des templiers a de la gueule, suffisamment pour être appréciable, et derrière les bâillements du Moine, les révoltes anglaises moyenâgeuses s’avèrent revigorantes. D’autant que l’on y retrouve Vladimir Kulich, cette montagne tchèque repérée et appréciée il y a douze ans dans Le 13ème guerrier et dont je me demandais de temps à autres ce qu’il était devenu… C’est fou ce que l’esprit peut s’égarer parfois.