Vendredi 23 novembre 2007
Avec ma mère nous avons choisis ton plus beau costume, celui que tu aurais pu porter à mon improbable mariage et qui va être désormais le témoin privilégié de ta décomposition.
J’ai glissé en urgence dans ta poche un photomaton de moi que je déteste, à toi de prendre le temps de m’aimer pour l’éternité.
Déjà quarante trois jours que ta lourde silhouette n’enfonce plus la toile douillette du canapé noir du salon. Depuis mon sommeil est léger et mes nuits sont blanches.
Je me souviens de la sécheresse extrême de tes pieds, telle une terre craquelée de Namibie qui sous l’effet de la chaleur se divise en une multitude d’écailles concaves, mais j’oublie déjà la douceur imberbe de ton torse nu que j’ai caressé pour la première fois sur ton lit de mort.
Pourtant la vie continue et j’ai l’impression parfois que je déraille. Mes journées sont peuplées de Vélib aux pneus éclatés ou de métros dégueulant leur incapacité à me transporter dans un autre monde.
Oui je sais, il faut que je sois fort, tu me laisses nue-propriétaire de ta mauvaise fortune avec comme unique fruit la salinité de mes larmes.
Papa, tu m’appelais « mon ami » mais cette histoire c’est de l’amour qui me fait aujourd’hui l’effet d’une bombe. Pourtant quand je pense à ton rire ma blessure se transforme en vif éclat de joie.