En France, les trois premières semaines de juillet, le monde peut bien s'écrouler, les Français s'en tapent, ils ont leur Tour de France. Bien plus que la fête nationale et son défilé militaire, la véritable institution, indétrônable, populaire, est bien celle qui réunit des millions de Français sur le bord des routes en juillet. Et pourtant, depuis quelques années, on sentait une sorte de fléchissement dans l'engouement. Liée aux affaires de dopage qui ont terni le Tour ? A des vainqueurs insipides qui écrasaient toute concurrence (Indurain, Armstrong, Contador) ? A l'absence de grand champion national ? Un peu de tout cela probablement.
Mais cette année, en 2011, tout cela n'est qu'une vieillie histoire. La folie cycliste est de retour, plus forte que jamais. A cela, une raison et une seule : les Français se sont trouvés une idole : Thomas Voeckler ! A 32 ans, il n'est plus tout jeune pour un cycliste, mais peu importe, il porte l'espoir de tout un peuple. Et ce qui s'exprime au travers de sa personne en ce moment dépasse de loin le monde du cyclisme : Thomas Voeckler est un concentré à lui seul de toutes les attentes du peuple de France.
Combatif, travailleur, gentil, naïf aussi un peu parfois, ce qu'il donne à voir de sa personnalité sied parfaitement au portrait que l'on se fait généralement du Français idéal. Mais surtout, Thomas Voeckler est ce petit David du cyclisme qui tient tête aux Goliath du cyclisme alors que rien ne le laissait prévoir. Parce que c'est ainsi que les Français se voient. Finie 98 et la France championne du monde de football qui se croient capable de renverser des montagnes. Le 11 septembre 2001, le 21 avril 2002 et la crisé économique ont ramené tout ce petit monde à la réalité : la France est une petite nation prise dans un combat de titans qui la dépasse.
Il y a dans cette Voecklermania complètement délirante, beaucoup de fierté retrouvée, celle de briller enfin, ne serait-ce qu'un été, ne serait-ce que sportivement. Mais il y a aussi le besoin impérieux d'oublier tout le reste : les angoisses politiques, économiques ou sociales, ce monde de plus en plus oppressant, ces affaires de moeurs qui nous font honte.
Thomas Voeckler n'est probablement pas un saint, il ne gagnera malheureusement peut-être pas le Tour de France, mais ce qu'il fait en ce moment à une grande valeur : l'espace de quelques jours, il permet aux Français qu'ils sont gouvernés comme des cons.