A propos de The Murderer de Na Hong-jin 4 out of 5 stars
Jung-woo Ha
En Chine, dans la ville de Yanji (Préfecture autonome coréenne de Yanbian), coincée entre la Corée du Nord et la Russie, Gunam fait partie des « Joseon Jok », ces Coréens du Nord marginalisés, réfugiés en Chine et dont près de la moitié vivent de trafics illégaux. Chauffeur de taxi, Gunam s’adonne au jeu chinois du Mah-jong pour rembourser le visa qu’il a payé à sa femme, partie chercher du travail en Corée du Sud. Mais Gunam perd des sommes de plus en plus énormes, ce qui l’oblige à accepter le deal de Myun (Kim Yun-Seok), un mafieux local : s’il tue un inconnu à Séoul, Myun effacera sa dette. Mais rien ne se passe comme prévu…
Tout feu, tout flamme. C’est un peu le credo de ce ballet de sang, cette débauche d’énergie et de violence chorégraphiques qui caractérisent The Murderer tout au long des 2h20 (quand même) qu’il dure.
- Kim Yun-Seok
Mais The Murderer s’appuie sur un scénario très solide. Un chauffeur de taxi adepte du jeu et croulant sous les dettes accepte de tuer un homme qu’il ne connaît pas pour passer en Corée du Sud et rejoindre sa femme dont il n’a aucune nouvelle depuis qu’elle est partie à Séoul. Partant de cette trame intimiste, Na Hong-jin (The chaser, 2009) livre un thriller brillant, un spectacle sanglant et graphique qui rappelle les films de Tarantino mais avant cela les mangas ou des vieux films japonais de sabre. Dans The Murderer, les problèmes se règlent à la hache ou à la machette. Aucune connaissance des armes de feu. On privilégie le coupe-coupe pour régler les différends. Et les différends sont nombreux, qui s’accumulent pour Gunam (excellent Jung-Woo Ha). Croulant sous les problèmes, le chauffeur de taxi, à qui la terre entière semble en vouloir, se transforme peu à peu (et malgré lui) en bête de sang prise au piège, de plus en plus cernée par des ennemis innombrables.
L’habile construction du scénario de The Murderer ainsi que l’épaisseur psychologique, dramatique de ses personnages semblent capables de justifier tous les excès de violence du film. On sent chez Gunam, personnage silencieux voire mutique, toute la tension intérieure et la souffrance. Celle-ci devient de plus en plus palpable avant de carrément se transformer en rage.
Aux débordements d’hémoglobine, à la profusion de sang, à la surenchère de violence répond toujours un pendant beaucoup plus intimiste du scénario, une étude de caractère de plus en plus fouillée du personnage principal. Ainsi, alors que le film s’enfonce dans une orgie de plus en plus meurtrière, on a paradoxalement le sentiment que cette violence trouve sa légitimité dans le parcours et la trajectoire tragiques de Gunam auquel le scénario, d’une noirceur absolue, n’offrira aucun échappatoire.
Les films coréens sont très habiles à mettre en scène des personnages extrêmement violents tout en ponctuant les dialogues d’un humour complètement décalé. The Murderer n’échappe pas à la règle lorsque par exemple quatre flics empotés, incapables d’appréhender Gunam, se tirent les uns sur les autres en hurlant comme des idiots paniqués.
The Murderer brille par son sens du récit, du rythme, de l’action et d’une mise en scène tendue jusqu’à la chute, superbe. Mêlant polar sanglant et drame intimiste, ultra-violence et humour décalé, The Murderer est sans doute le meilleur film de Na Hong-jin. En tout cas le plus personnel.
www.youtube.com/watch?v=1tS6BXzX30k
Film coréen de Na Hong-jin avec Kim Yun-seok, Ha Jung-woo, Jo Seong-ha. (2 h 20)
Scénario : 5 out of 5 stars
Mise en scène : 4 out of 5 stars
Acteurs : 4 out of 5 stars
Dialogues : 4 out of 5 stars