Je doute en Dieu - Jean d'Ormesson

Par Tellou

Aujourd'hui c'est un peu "vacances": pas de catéchèse impertinente de ma part, mais un texte de Jean d'Ormesson sur lequel je suis tombée. Ce passage est tiré de son livre "Qu'ai-je donc fait", qui, à mon humble avis, est très inégal. Jean d'Ormesson explore en petits chapitres ce qu'il a pu faire, réaliser à la lumière de ce qui l'a inspiré, guidé. Aux passages épicuriens assez délicieux succèdent quelques souvenirs d'un charme désuet, mais aussi malheureusement des passages fort longs où l'on a l'impression que l'auteur écrit pour écrire. Un peu comme les personnes qui aiment s'entendre parler. Bref, je retiens quand même ce passage sur Dieu. Un passage que j'aime beaucoup et qui j'imagine aussi, nous parle à tous.

"Tout ce qu’on peut faire avec Dieu, ce n‘est pas de le connaître ni d’accumuler des arguments pour ou contre son existence. Ce n’est même pas de parler de lui. C’est d’espérer qu’il existe.

La Mort, s’il n’existe pas, perd beaucoup de son charme. S’il existe, quelles délices ! Dans l’éternité, bien sûr, mais aussi dans cette vie, qui, en dépit de tous les chagrins et au sein même du malheur, devient supportable et même légère, douce, peine de tendresse et d’attente. Pleine d’ironie aussi çà l’égard de tout le reste. Il ne s’agit pas de brûler des cierges, ni de lancer des pétitions, ni de se livrer, d’un côté ou de l’autre, à des pratiques de magie. Ne prenons pas des airs rogues. Ne campons pas dans nos châteaux en Espagne ni sur des positions préparées à l’avance. Il faut donner sa chance à Dieu. Il faut laisser à Dieu le bénéfice du doute.

Oui bien sûr je doute. Je doute de l’existence de Dieu. Je doute encore bien davantage de son inexistence. Les uns croient en Dieu. Les autres doutent de Dieu. Je doute en Dieu. Si vraiment il se trouvait – j’en doute un peu- qu’il n’a jamais existé, je n’aurais fait de mal à personne en pensant qu’en fin de compte il aurait bien pu exister. Et s’il existe, il me pardonnera, car il est fait pour ça, d’avoir pensé trop souvent, peut-être poussé par le Diable – est-ce qu’ il existe celui-là ? – qu’il avait peu de chances d’exister, parce que, s’il existait, il aurait pu me le faire savoir avec un peu plus d’évidence."