Nathalie Henneberg
L'Atalante, 1999
(Hachette, 1964)
Roman épique, grandiose par sa démesure, éblouissant par son style, les qualificatifs ne manquent pas à propos du chef-d'œuvre de Nathalie Henneberg qui, curieusement, ne connut qu'une seule réédition depuis sa sortie, en 1964.
Le récit s'ouvre au moment de la condamnation à mort d'Airth Reg, alors qu'il s'apprêtait à sauver l'univers. Au xxxe siècle, le mal absolu est enfin identifié. Il s'agit d'un virus, qui a contaminé la Terre à différentes périodes de son histoire et dont l'origine ne serait même pas extraterrestre mais extratemporelle, voire issue d'un autre espace-temps. On l'appelle la Plaie ou la Ténèbre. Identifié, il n'a cependant pas de visage. Ses agents propagateurs, les Nocturnes, ne sont jamais clairement décrits même si les protagonistes qui s'opposent à eux les voient. La Terre attaquée risque de succomber ; les seuls opposants crédibles à la Plaie sont les mutants, plus particulièrement ceux capables d'affecter le temps, car c'est sur ce plan-là qu'il importe de chasser le virus.
Airth est probablement le plus puissant des mutants, mais il l'ignore encore. Deux jeunes filles, dont on suit la trajectoire dans la première partie du roman, se joindront à sa croisade ; Villys et Thalestra, aux caractères bien tranchés, mutantes unies pour la bonne cause, se jalousent cependant pour l'amour d'Airth. D'autres protagonistes hauts en couleurs parsèment le récit, Lès Carroll, intrépide astronaute, le savant Orozov, l'ambigu Ralp Valeran qui complote pour le pouvoir... La quête est jalonnée de quelques beaux épisodes, comme la Fosse aux Cygnes où le temps et l'espace sont à ce point distordus que des images du passé apparaissent comme des fantômes. On est parfois frappé par la modernité de certaines idées : Henneberg joue avec les univers parallèles et évoque sans les nommer ou en usant du vocabulaire disponible à l'époque ce qui ressortit aux manipulations génétiques et à l'informatique. Mais il faut remarquer qu'elle manipule ainsi un matériau poétique plutôt que des concepts scientifiques. Si le livre a vieilli sur quelques points mineurs, sa charge émotive est intacte ; la splendide écriture, haute en couleurs, au lyrisme parfois excessif, finit par faire mouche.Quête d'absolu, réflexions philosophiques sur la nature du mal, considérations sociales au hasard des escales sur des mondes étranges, l'imposant roman de Nathalie Henneberg est avant tout à lire pour son formidable pouvoir d'évocation, pour les images qu'il déploie dans l'esprit des lecteurs. On a souvent dit de ses romans qu'il s'agissait de space-operas flamboyants. Trente-cinq ans plus tard, ce flamboiement est intact.
Claude Ecken