New York, le 19 mai 2011
Chère Martine, chers camarades,
Compte tenu des circonstances judiciaires qui me sont faites, c’est avec une infinie contrariété que je me crois obligé de renoncer à présenter ma candidature à l’élection présidentielle de 2012 à travers la primaire du Parti socialiste.
Je pense d’abord en ce moment à ma femme – que j’aime plus que tout – à mes enfants, à ma famille, à mes amies.
Je pense aussi à mes collaboratrices et collaborateurs parisiens les plus proches avec lesquels j’ai correspondu pendant toutes ces années passées au FMI avec l’espoir et l’ambition de pouvoir dès 2012 donner une chance à notre parti.
A vous tous, cher(e)s camarades, je veux dire que je réfute d'avance tout ce qui m’est et me sera reproché, mais qu’il serait vain désormais d’imaginer que je puisse participer à cette l’élection.
Voulant préserver le Parti Socialiste que j’ai voulu servir avec honneur et dévouement, je souhaite que vous ne perdiez pas votre temps en conjectures sur mon avenir personnel et surtout, surtout, que vous sachiez consacrer toutes vos forces et toute votre énergie à faire la démonstration de votre capacité à convaincre.
Cette lettre qui n’a jamais existé, et c'est dommage, est révélatrice du profond mépris dans lequel a été tenu et continu d’être tenu le PS et ses militants par l'homme du Sofitel. Par voie de conséquence leur dévotion et leur grande naïveté pourrait très vite leur être préjudiciable.
Si bien qu’Edwy Plenel, en guise d'amical avertissement, a eu raison d’écrire dans Médiapart :
« (…) Comme le capitaine Haddock avec ce sparadrap dont il n'arrive pas à se débarrasser, les dirigeants socialistes continuent de vivre avec l'affaire Strauss-Kahn faute d'avoir su la clore.
Comment expliquer, par exemple, que l'intéressé, légitimement occupé à se défendre d'accusations graves, ait trouvé le temps d'écrire à ses amis du FMI, pour leur rendre leur liberté, et n'ait toujours pas réussi à s'adresser à ses camarades socialistes, pour les libérer eux aussi de l'embarras qu'il leur cause ?
En finir avec l'affaire Strauss-Kahn, son poison dépolitisant et son climat délétère, de rumeurs et de spéculations, aurait supposé une direction socialiste plus à même de faire prévaloir l'intérêt général de la gauche sur des intérêts particuliers, tissés d'alliances circonstancielles et de fidélités personnelles.
Pis, en soutenant la candidature de Christine Lagarde au FMI, notamment par la voix de Martine Aubry, le PS a réussi ce tour de force de ruiner les maigres plaidoyers en défense de « DSK vrai homme de gauche » dans ses fonctions de grand argentier du capitalisme mondial. Ainsi donc la ministre de l'économie qui incarnait en France une politique antisociale, au bénéfice des plus riches et au détriment du plus grand nombre, serait donc, pour les socialistes, la mieux à même de succéder à l'un des leurs à la tête du FMI ! Sans compter qu'en faisant cet aveu d'une classe politique interchangeable, le PS se contredisait lui-même, ignorant les procédures engagées par certains des siens contre Christine Lagarde dans l'immensément scandaleuse affaire Tapie. (…) »
Tellement raison que la lettre qui aurait pu tout changer, était très facile à rédiger par l'ex du FMI. On se prend même à imaginer qu’un faux aurait éventuellement pu mettre un terme à ce triste feuilleton.