J’ai déjà évoqué Étiolles pour sa découverte, à laquelle j’ai participé à la fin de mes seize ans. Étiolles reste un chantier école pour les étudiants archéologues de l’université de Paris 1 Sorbonne, mais est aussi au musée. La petite ville de Nemours, assoupie au bord du Loin en Seine-et-Marne, a créé à la fin des années 1970 le musée de préhistoire de l’Île-de-France (ouvert en 1981). L’époque était à la mode rétro, élever des chèvres, restaurer les vieilles pierres, marcher en sabots (suédois). Le musée de l’architecte Roland Simounet s’est donc installé à l’écart du centre ville, dans les bois, en même temps que le collège. Les neuves frimousses côtoient les plus anciens silex. Le béton brut du musée s’ouvre par des puits de lumière et de grandes baies sur les arbres alentour, illusion d’être ramené aux âges farouches…
Sur deux pattes, cuisses musclées, sexe tendu, bras levés, tête couverte d’un masque chevalin, naseaux et œil dardant des rayons, la « créature » fait penser aux déguisements des rituels chamaniques. Mais ce n’est qu’hypothèse. Certains (certaines, pour cause de féminisme ?) voient dans « le sexe » un « sein flasque » puisque placé au-dessus de l’entre-jambe. Mais la musculature impressionnante des cuisses me laisse dubitatif sur l’aspect féminin de la créature. D’autant que le cheval est indubitablement un mâle, le sexe clairement dessiné.
L’animal, en tout cas, est bien dessiné, d’un trait sûr comme à Lascaux, grotte peinte à peu près à la même époque. Faut-il y voir une exaltation religieuse de l’animal fétiche chassé pour sa viande, ses tendons, ses os ? Deux traits sur le flanc peuvent montrer qu’il est en train de mourir, haletant selon les traits qui échappent des naseaux. Est-ce un hommage à sa beauté charnelle arrêtée dans son mouvement, une excuse pour avoir ravi sa vie, la reconnaissance de sa vigueur musculaire masculine ? C’est le cas encore de nos jours mais nous ne pouvons qu’inférer de notre humanité d’aujourd’hui les croyances éventuelles de l’humanité d’hier, sachant que les Magdaléniens étaient des Sapiens sapiens comme nous. Vous trouverez bien autre chose dans ce musée, des silex issus des fouilles de Daniel Mordant ou Béatrice Schmider à Saint-Sulpice de Favières, entre autres, une barque fossile du néolithique à Noyelles-sur-Seine, des épées et de haches de l’âge du bronze, un casque gaulois, des verres gallo-romains… Philippe Andrieux a reconstitué l’expérience des métalliers du bronze, dans des fours de fortune faits de terre et d’un soufflet de peau.Chaque jour que l’été fait, une animation est effectuée sur un sujet : la chasse, l’alimentation, les outils, le feu, la protohistoire… Une partie est destinée aux enfants, avec toucher des armes et broyage du grain à la meule. Toucher, mimer, ils dorent ça. Leur imagination travaille bien plus que par les mots du prof !
- Musée départemental de Préhistoire d’Île-de-France, 48 av. Etienne Dailly, 77140 Nemours
- Tél. 01.64.78.54.80, email : [email protected], ticket d’entrée entre €2 et €6
- Ouvert tous les jours, sauf le mercredi de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h en juillet et août http://www.nemours.fr/decouvrir-nemours/le-musee-de-prehistoire
- Voir aussi www.seine-et-marne.fr rubrique : loisirs/musées départementaux