L’odeur de l’Inde
Pier Paolo Pasolini
En 1961, Pasolini fit un voyage avec Alberto Moravia et Elsa Morante en Inde. Ils parcourent l’Inde, de Bombay à Aurangabad, Kochi, Calcutta, Bénarès, Delhi et Agra.
Ce petit livre est très bien écrit (Pasolini est un littéraire avant d’être un réalisateur) et c’est effectivement l’odeur de l’Inde qui est décrite, une Inde qui compte alors 400 millions d’habitants et 85% d’analphabètes.
Beaucoup de belles observations de cet esprit libre. Pasolini est manifestement interpellé par la religiosité de l’Inde : « C’est un fait que, de toute façon, qu’en Inde, l’atmosphère est favorable à la religiosité. Mais, à mes yeux, cela n’implique pas que les Indiens soient vraiment préoccupés par de sérieux problèmes religieux. Certaines de leurs formes de religiosité sont forcées, typiquement médiévales : aliénations dues à l’épouvantable situation économique et hygiénique du pays, véritables névroses mystiques, qui rappellent celles qui eurent lieu en Europe, au Moyen-Age ? Mais plus qu’une religiosité spécifique j’ai observé chez les Indiens une religiosité générale et diffuse : un produit moyen de la religion. La non-violence, en quelque sorte, la douceur, la bonté des hindous. Il sont peut-être perdu contact avec les sources directes de leur religion (qui est évidemment une religion dégénérée), mai sils continuent à en être les fruits vivants. Ainsi, leur religion, qui est la plus abstraite et la plus philosophique du monde, en théorie, est, en fait, en réalité, une religion totalement pratique : une manière de vivre ».
Il rencontre à Calcutta Sœur Theresa et en livre cette description : « Sœur Teresa est une femme âgée, à la peu brune, parce qu’elle est albanaise, grande sèche, avec des mâchoires presque viriles, et des yeux doux qui, là où ils se posent, voient ».
A propos de Nehru, il note : « En ce moment, Nehru n’est ni anglais ni indien : c’est un citoyen du monde qui avec une douceur indienne et un pragmatisme anglais, s’occupe des problèmes d’un des plus grands pays du monde. Il y a donc un détachement remarquable entre Nehru et l’Inde : un détachement qui, à certains moments, est un véritable gouffre ».
Nous avons été un peu déçus de voir que Pasolini n’a pas vraiment saisi la dimension de Tagore qu’il rabat en une phrase au rang de un simple poète provincial.
Mais voilà un livre à lire. C’est très bien écrit, d'un lyrisme sobre mais empli d'odeurs et cela se lit rapidement.