C’est un événement de portée considérable, voire historique : American Airlines s’est engagée ŕ acheter ou a pris option sur 925 Ťmonocouloirsť des familles A320 et 737. AMR Corp. Estime qu’il s’agit des plus gros contrats jamais passés aux deux principaux avionneurs en męme temps qu’il confirme l’optimisme retrouvé du transport aérien américain. American Airlines, dont la situation financičre est en voie de redressement, va ainsi précipiter le retrait de nombreux McDonnell Douglas MD-80, gagnant ainsi 35% en coűts d’exploitation.
Les conséquences de cette décision, qui était attendue avec beaucoup d’impatience, sont multiples et durables. On retiendra tout d’abord qu’il s’agit d’une victoire de taille pour les Européens qui, ŕ force de persuasion (et peut-ętre de concessions) ont brisé le monopole de fait que Boeing avait installé chez American. La crédibilité d’Airbus, dans la mesure oů elle en avait besoin, s’en trouve considérablement renforcée, qui plus est en consolidant les atouts de la série des A320 NEO remotorisés.
L’accord couvre 260 avions, A319, A320 et A321, dont 130 NEO, selon une clef de répartition ŕ définir au fil des années, sachant que les livraisons iront jusqu’ŕ 2022. La compagnie américaine n’a pas encore choisi la motorisation de ces avions, sachant qu’elle a le choix entre CFMI (General Electric et Snecma) et IAE (principalement Pratt & Whitney et Rolls-Royce ) pour les A320 Ťclassiquesť. Pour les NEO, elle devra opter pour le Pratt & Whitney PW1000G ou le CFM-Leap X.
Le lancement du NEO, il y a six mois environ, apparaît plus que jamais comme un succčs spectaculaire, avec 1.200 commandes et options ŕ ce jour. Récemment, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, soulignait avec emphase que le NEO se vendait depuis son lancement au rythme effréné de 100 exemplaires par mois. Certains ont alors cru ŕ une fanfaronnade alors qu’il était nettement en-dessous de la réalité. Moyennant un risque technique minimal et un investissement limité, la famille A320 va ainsi afficher des coűts d’exploitation diminués de 15% environ. Le prix catalogue des NEO est supérieur de 6,2 millions de dollars seulement ŕ celui du modčle de base, lequel est affiché ŕ 85 millions de dollars.
Victime de son succčs, la lignée A320 s’achemine vers une difficulté : de toute évidence, Airbus devra accroître davantage la cadence de production, actuellement sur le point de passer ŕ 42 exemplaires par mois. Pour ce faire, il lui faudra obtenir l’assurance que ses partenaires et fournisseurs seront en mesure de suivre le mouvement, un vrai défi. Lequel sera peut-ętre problématique pour les entreprises qui livrent tout ŕ la fois ŕ Airbus et Boeing. Le constructeur américain, en effet, étudie la possibilité de produire bientôt le 737 au rythme d’au moins 50 avions par mois.
La décision d’American oblige aussi Boeing ŕ sortir du bois, ŕ admettre, sans plus tergiverser, qu’il ne lui est plus possible d’assister au succčs de l’A320 NEO sans réagir trčs rapidement. Aussi, contre toute attente, la compagnie, en plus de cent 737 de base, s’est engagée ŕ acheter une version remotorisée qui, dans la précipitation, n’a męme pas encore été baptisée. Cet engagement porte sur un premier lot de 100 appareils dont, pour l’instant, la configuration n’est pas publique.
Il y a quelques semaines seulement, au salon du Bourget, Jim Albaugh, patron de Boeing Commercial Airplanes, laissait clairement entendre que Boeing se hâtait lentement vers un choix important : remotoriser le 737 ou, quitte ŕ faire attendre davantage les compagnies, développer un avion entičrement nouveau. Cette derničre option était largement privilégiée, disait-on, d’autant plus que le 737, de par sa configuration, se pręte mal ŕ l’installation de moteurs de nouvelle génération caractérisés par une soufflante de grand diamčtre. Finalement, ce sont les Texans (le sičge d’American se trouve ŕ Fort Worth) qui ont tranché et précipité le mouvement !
Le détail des engagements d’American : cent 737 de base, avec option du 40 exemplaires supplémentaires, et cent 737 remotorisés, avec options sur 60 avions de plus. Ce qui permet de noter au passage, en se limitant aux commandes fermes, que la compagnie achčte, dans l’immédiat, davantage d’Airbus que de Boeing. Un retournement de situation impensable il y a quelques mois et qui conforte l’avionneur européen dans une stratégie des petits pas ou, si l’on préfčre, des technologies évolutives.
Pierre Sparaco - AeroMorning