- Je ne voudrais pas mourir en allemand.
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Parce qu’en chemin j’ai manqué de me faire renverser en vélo. Frayeur, horreur et tout d’un coup, toute ma vie qui défile devant moi ? Même pas. Simplement cette incongruité dans la tête : et merde, je suis en train de mourir à Berlin. Dans une langue étrangère. Autre que la mienne. Ni celle de ma mère ni celle de mon père. Une langue qu’aucun de mes ancêtres n’a peut-être connue, entendue. Aucun de ces sons ne résonnent dans mes gênes. Aucune consolation. Aucune réminiscence du lait maternel. Rien.
- Dis donc, t’en as eu du temps pour penser avant de mourir !
- Mais, non, crétin, puisque je suis encore là ! Bien sûr, j’ai pensé tout cela en allemand. Mais j’ai perdu mes mots : Tod, verlassen, endlich, Sontag, als das Kind Kind war. Nichts.
- Tu ne veux pas qu’on aille faire un tour aux urgences ? Un traumatisme crânien est si vite arrivé…
Il tombe. Er fällt…