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La microfinance en Tunisie selon Michael Philipp Cracknell

Publié le 20 juillet 2011 par Microfinance
Le site économique tunisien Webmanagercenter.com a publié un long entretien avec Michael Philipp Cracknell, co-directeur de l'institution de microfinance Enda inter-arabe. Michael Philipp Cracknell raconte comment il a créé cette institution avec sa compagne Esma Ben H’mida, depuis plus de 15 ans. Il donne également son point de vue sur l'évolution de la microfinance en Tunisie. Selon lui, le gouvernement doit réviser les lois d'encadrement de la microfinance et mobiliser l'épargne, autoriser la micro-assurance (jusqu'ici interdite), donner accès à la couverture sociale pour tous les micro-entrepreneurs même s'ils ne paient pas d'impôts, et le développer le mobile banking, surtout pour aider les zones rurales éloignées des villes et des banques.
Michael Philipp Cracknell Enda microfinance tunisieMichael Philipp Cracknell, co-directeur d'Enda Inter-arabe.

Le ministère des Finances a annoncé qu’il est en train de réviser la loi régissant la microfinance. Qu’en est-il ?
La loi actuelle n’encourage pas les bonnes pratiques. Elle date de 1997 mais elle a été mise en place sans consulter les parties concernées comme la BTS et Enda et sans s’inspirer des autres expériences comme le Maroc qui a une loi convenable.
Plusieurs lacunes entourent cette loi. Par exemple, le plafond sur les taux d’intérêt. L’expérience dans le monde a montré que ceci permet aux gens les moins pauvres de profiter des prêts plus que les gens les plus pauvres. Il s’agit aussi du nombre de prêts plafonné. Ce qui fait que, une association qui a le potentiel d’octroyer un nombre plus élevé de prêts, ne peut pas le faire. Ce sont des contraintes pour les associations.
La nouvelle loi devrait instaurer les bonnes pratiques. Sa mise en place encouragerait aussi l’entrée de nouveaux acteurs en scène. Par exemple, ADEI International a probablement en tête d’ouvrir en Tunisie. Il y a aussi OXUS qui est lié à une grande ONG française (ACTED), et qui compte devenir un grand acteur dans le domaine en Tunisie. Il y aura probablement trois ou quatre acteurs qui vont s’installer d’ici 2012. Mais il faut savoir qu’avec le contexte actuel, les choses ne vont pas s’accélérer. Il faut attendre le retour au calme.

Oxus Development network
En tant qu’acteur dans le domaine, quelles sont les réformes que vous estimez nécessaires pour développer la microfinance en Tunisie?
Le microcrédit fait partie de la microfinance. Elle comporte la micro-épargne, la micro-assurance et les transferts d’argent. Les banques ne s’intéressent pas aux petits montants dont les micro-entrepreneurs ont besoin. La même chose pour la micro-épargne. Nous avons constaté que plus de la moitié des comptes-épargne sont inactifs. Nous pensons, d’après notre expérience, que si nous pouvions mobiliser l’épargne, la masse monétaire allait augmenter. Mais apparemment le gouverneur de la Banque centrale est totalement opposé à cette possibilité. Et c’est bien dommage parce que c’est un service qui répond à un besoin. D’ailleurs, beaucoup de nos clients nous l’ont dit : si Enda avait pu nous proposer ce service on aurait eu moins de problèmes, durant ces derniers mois. C’est un service nécessaire pour les personnes pauvres. Mais il faut instaurer des règles prudentielles pour garantir leur argent.
Il y a aussi la micro-assurance. Ce qui s’est passé a montré qu’il y avait un grand besoin. Certains clients ont subi des incidents (incendie, saccage, pillage) mais ils ne sont pas couverts. C’est un autre service proposé par les associations de microfinance dans d’autres pays et que nous ne pouvons pas proposer.
Parallèlement, nous avons proposé au ministère des Affaires sociales la possibilité d’étendre l’accès à la couverture sociale à des gens "auto-employés" même s’ils n’ont pas de patentes. Le grand problème actuellement est que les personnes qui n’ont pas de patentes n’ont pas le droit de s’inscrire à la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Au moins 30% des micro-entrepreneurs avec lesquels nous travaillons n’ont pas de couverture sociale et la plupart du temps, ils sont couverts par un autre membre de la famille qui travaille. Il y a des gens qui vivaient très convenablement avec leur micro-entreprise. Mais dans le cas d’une urgence quelconque, ils se trouvent dans des situations dramatiques et tout le capital s’en va.
On est en train d’étudier avec le ministère les cas qui seraient éligibles. Par exemple, avec une carte d’artisan, une personne peut s’inscrire à la CNSS. Et donc on doit aider les artisans à obtenir leurs cartes et avoir accès à la sécurité sociale.
La microfinance en Tunisie selon Michael Philipp CracknellLe mobile banking (ou m-banking) permet de réaliser des opérations bancaires sans se déplacer à la banque. Pratique en milieu rurale.
Dans les zones rurales, il y a des possibilités techniques pour éviter aux micro-entrepreneurs de se déplacer sur de longs trajets pour rembourser un prêt. Il y a deux ans nous avons signé un accord en partenariat avec la Banque internationale arabe de Tunisie (BIAT) et une société qui s’appelle CREOVA pour mettre en place le service mobile banking. Là encore la Banque centrale n’a pas accepté. Ceci prive des gens qui en ont besoin. A Enda, 30% de nos clients sont dans les zones rurales, et nous visons à porter ce taux à 50%. Nous sommes d’ailleurs présents dans tous les gouvernorats, à raison d’au moins un bureau par gouvernorat. Au début de 2011, nous avons ouvert cinq nouveaux bureaux, dont un à Ben Guerdane.

Lire l'entretien complet avec Michael Philipp Cornell.
Lire également : Arnaud Poissonnier et le microcrédit en Tunisie.

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