Il ne s'agit pas d'un énième livre pseudo-scientifique sur le réchauffement climatique et le développement durable qui sont devenus les mots-clés de l'écologie militante. C'est plus modestement
le regard d'un écrivain sur l'écologie qui est allée se nicher jusqu'en bas de chez lui.
Cela commence par l'arrachage par l'auteur d'une affiche annonçant la projection, le 5 juin 2009, sur France 2, du film Home de
Yann Arthus-Bertrand et punaisée d'importance sur le tableau d'information du hall d'entrée de son immeuble. La veille il avait déjà franchi le Rubicon en
publiant dans Libé un article intitulé Home ou l'opportunisme vu du ciel, c'est-à-dire d'hélicoptère. Article caviardé par le quotidien libre,
mais non troppo.
Dans cet article qui va susciter moult réactions et commentaires sur le site du quotidien, Iegor Gran ne s'en prend même pas au fond du film qu'il est implicitement obligatoire de voir, mais
à sa forme, digne selon lui de la forme revêtue par les films d'une Leni Riefensthal - ce que Libé censurera sans vergogne -, parce que c'est ainsi que
se silhouette le totalitarisme.
Ce faisant il s'attaque frontalement à la nouvelle religion de l'écologie dont le réchauffement climatique d'origine anthropique est le dogme, donc indiscutable. En dehors de cette croyance et de cette culpabilité humaine il n'y a pas de place pour la discussion. Conséquence de la responsabilité humaine dans les dégâts causés à la planète, la catastrophe est imminente :
"L'annonce de la fin du monde est une des caractéristiques de l'écolo-psychose et un fort symptôme de religiosité."
Ce catastrophisme n'épargne pas grand monde. Vincent, l'ami de l'auteur, à quarante ans passés, a été contaminé. Il n'est plus possible de discuter avec lui. L'ancien frondeur est désormais accroché au train de l'Apocalypse à venir. Il brait avec le troupeau. Ce qui déçoit d'autant plus l'auteur que cet ami de longue date tente de le convertir à la nouvelle religion dont le mal a une formule chimique, le CO2.
L'auteur ne se déclare pas compétent en matière de réchauffement climatique. Ce qui l'inquiète, c'est la psychose
du réchauffement climatique, qui n'épargne pas les scientifiques eux-mêmes; c'est la mauvaise conscience des pays industriels les plus riches, mêlée de condescendance à l'égard des pays les
plus pauvres qui doivent le rester pour le plus grand bien de la planète et ne plus avoir d'enfants; c'est de demander "à la science de prédire l'avenir, ce qu'elle
n'a jamais su faire correctement".
Le livre est truffé de scènes d'anthologie. J'aime particulièrement le chapitre où l'auteur est surpris en flagrant délit de ne pas avoir comprimé un carton par la voisine du 3ème,
escalier C, qui lui explique : "on comprime, on broie, on recycle". Iegor, penaud, fait plus que s'exécuter, il met ledit carton en tous petits
morceaux, bref il en fait trop. Un peu plus tard il comprime tout seul une série de cartons jusqu'au moment où il se blesse avec une agraphe :
""Putain de déchet, ai-je pensé. Tu mords la main qui te comprime?..." Je ne me suis pas embêté
avec le cinquième carton. Poubelle ordinaire - et dégagez!"
Il y a aussi un passage provocateur qui a bien plu à l'amoureux des livres que je suis et que je ne résiste pas de citer :
"J'aime les livres. Quand on pense à tous ces arbres que l'on a réduit en chair à pâté ! Et l'encre, dérivée du pétrole, que les imprimeurs déversent par tonnes dans des écrits comme celui-ci [...].
J'aime aussi les livres reliés plein cuir, en peau de veau, daim ou autruche.
Ca me dérange pas que l'on tue des requins du Groendland ou des raies pour faire du galuchat, tant que c'est pour orner l'oeuvre de Pierre Louÿs, de Pierre Legrain ou de Paul Iribe.
Si j'étais éditeur, je refuserais d'imprimer sur du recyclé. Pour le p.q. ou le rapport annuel d'Areva, le papier recyclé fait l'affaire. Mais pour un livre!"
Il ne faut pas croire que ce livre n'est que léger, cultivé, plein d'humour, donc insupportable pour les tenants de la nouvelle religion. Il est aussi très sensé et pourvu d'un appareil de notes en bas de pages, qu'il serait bien dommage de négliger de lire, parce qu'il étaye fort bien les propos.
Francis Richard