Eva Joly heureuse : deux Norvégiens en tête

Publié le 19 juillet 2011 par Jlhuss

étape 16 - Saint-Paul-Trois-Châteaux Gap 162.5 km

Contador place une mine révélatrice.


Quand ça flingue pendant deux heures pour que l'échappée se dessine, ça fait mal à tout le monde et quand tout le monde a mal, les vrais cadors et ceux qui ont le plus la hargne se révèlent.

Devant, guère de suspense parce que le Viking, c'est déjà un gros morcif, mais le battre quand il a un équipier (Hesjdal qui ressuscite) ça relève de la mission impossible. Boassen Hagen s'en doutait, qui a essayé mais qui, complètement désabusé, a fait un sprint de... 25m environ. Deux Norvégiens aux deux premières places à Gap, devant une marée de Vikings finauds qui avaient repéré que le parcours correspondait à merveille aux qualités de Thor. Vu le nombre de drapeaux, on se serait cru à Oslo !

Seulement derrière, on attendait un pétard de Philippe Gilbert pour faire sauter le Cav' et lui piquer quelques points. A la place, on a eu une mine anti-char d'Alberto, qui a surpris tout le monde dans le col de Manse pourtant pas terrifiant. Tout le monde sauf... Voeckler qui a quand même fait une boulette : la giclette du Pistolero, c'est à peu près pour personne et donc c'est donc pas pour lui et s'il a mieux que limité les dégâts en ne perdant que peu de temps, il a pris un éclat dû à une erreur tactique. La roue à suivre, d'évidence, c'est celle d'Evans qui monte dans le genre diesel sans répondre aux pétards. La preuve en est que Cadel dut le seul à recoller au Pistolero avec Sanchez (à ne pas oublier pour le podium, ce mec) et lui a même grappillé trois secondes grâce à ses qualités de descendeurs hors pair (ex champion du monde de VTT... ça aide). Evans qui a repris du temps sur les frangins et Voeckler, qui tient le Pistolero à bonne distance alors qu'il roule à la perfection (ça ne sera pas évident de le remonter dans le CLM) n'a "plus" que trois jours difficile à passer. Et jusque là lui et son équipe ont fait LE sans faute. Il faut être de mauvaise foi pour trouver – aujourd'hui, tout peut changer évidemment ! – meilleur favori pour la victoire finale.

A noter que Voeckler, descendeur extraordinaire aussi et qui (écoute-t-il Bernard Hinault ?) s'est arrêté un court instant pour retirer un peu de pression à ses pneus afin de faciliter l'adhérence dès qu'il sut que la route était trempée à l'arrivée, s'est un peu refait la cerise dans cette descente. Cela dit, Jaja lui a conseillé de coller à la roue d'Evans plutôt qu'à celle de Contador, et je n'aurais pas mieux dit !

Voeckler : "J'ai été un peu étonné. On ne l'attendait pas aujourd'hui, dans ce genre de cols, a déclaré le coureur d'Europcar devant la caméra de France 2. Maintenant j'ai essayé de le [[Contador]] suivre mais je me suis mis un peu dans le rouge. Ça me permet de maintenir l'écart mais ça démontre aussi que je commence à plafonner. Il faut dire que je n'ai pas l'habitude de me battre avec Contador dans la montagne. J'ai tenté de réagir lors de sa première attaque. Sur la deuxième, je n'y arrivais plus, donc j'ai laissé les autres rouler, mais il était déjà parti avec Evans et Sanchez. L'une des rares choses qui me rassure aujourd'hui, c'est de voir que je n'ai pas été le seul à coincer."

Les perdants ? Les "bons garçons" comme dit le camarade Makhno et surtout Andy dont je pense de plus en plus "qu'il a pas la mentalité" : un cador donné grand favori qui s'épanche devant les micros en disant, avant les Alpes, que "s'il ne gagne pas cette année ce n'est pas grave, il gagnera peut être une autre fois", ça le fait pas. Quand je l'ai entendu hier, j'ai pensé de suite : "toi gamin, tu vas prendre un éclat dans les Alpes". C'est venu plus tôt que prévu... Qui imagine Anquetil, Merckx, Hinault, sortir ça ? Il n'est pas dans les dispositions d'esprit adéquates et ça se voit dans le final : on a la hargne ou on fait le taiseux, mais si on démarre avec une mentalité de louveteau, on a un sacré handicap qui fait perdre du temps dans une descente, ce qui arrive à tout le monde (quand vous faites un écart dans le premier lacet, ça bloque). Mais presque une minute sur 5 km quand on se bat pour la gagne...

Ils sont gentils les "bons garçons" mais celui qui descend le moins mal est émoussé dans les grimpettes, et celui qui grimpe le mieux passe les virages à 3 km/h quand ça descend. Ils ne sont pas plus condamnés que ne l'était Contador il y a trois jours – du moins on a des indices que... – mais leur cote a baissé. Deux bons coureurs additionnés, ça ne fait pas un super-cador.

Un hommage. Courir dans ces conditions ! Mais c'est sans doute ce qu'aurait voulu Patrick Guay...

Jérôme Pineau porte deux brassards noirs ce mardi sur la route du Tour de France, lors de la 16e étape entre Saint-Paul-Trois-Châteaux et Gap. Le coureur de l'équipe Quick Step est endeuillé par la mort de son oncle, retrouvé sans vie tôt dans la matinée à Gap. Technicien-chauffeur travaillant pour le Tour de France, Patrick Guay a été retrouvé en partie immergé dans la rivière La Luye, à proximité de l'arrivée. Les circonstances du décès n'ont pas encore été déterminées et le parquet de Gap a ouvert une enquête judiciaire.

Et à la place du vélo pour les nuls, je voudrais rapporter ce très beau sujet de JP Lepers dans les coulisses du Tour. J'ai passé dix minutes les yeux embués devant cette merveilleuse histoire d'amour entre deux retraités, Madame étant paralysée à la suite d'un accident vasculaire cérébral. Monsieur (chercheur retraité en "physique des particules") avait déjà fait le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, et son épouse lui a demandé si un jour il l'emmènerait là-bas. La réponse : "Non, le prochaine fois c'est toi qui m'emmèneras !" Et le brave homme de bricoler un triporteur avec un fauteuil roulant classique, fixé par quatre points à une bicyclette pour que Madame puisse voyager face au paysage, dans des conditions de confort aussi optimales que possibles pour elle. Quarante jours pour aller ainsi d'Annecy à Saint-Jacques de Compostelle, trente-six pour en revenir. Et une virée vers Gap, pour voir l'arrivée du Tour.

Cette complicité, cet amour entre ces deux vieux amants étaient inexpressibles d'autant plus qu'il n'y avait aucun pathos dans la manière dont ils racontaient leur belle histoire. Cette dame qui affirmait sans trémolo aucun qu'elle avait connu les plus beaux jours de sa vie pendant cette virée... Il y a décidément des histoires merveilleuses dans les parages du Tour.

benjamin