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La sortie de François Fillon sur la double nationalité, sur la "profonde méconnaissance des traditions et de l'Histoire de notre pays" dont aurait fait preuve Eva Joly a supris : on l'avait connu plus "raisonnable." Plus surprenant est peut-être le silence de Nicolas Sarkozy qui s'est bien gardé de s'engager dans cette polémique. Ce silence qui ne lui ressemble pas est certainement voulu. On l'aura remarqué, il laisse depuis quelques semaines ses ministres s'engager à fond dans la (re)conquête de l'électorat d'extrême-droite (déjeuner saucisson pinard, déclarations sur Eva Joly…) et se tient à l'écart comme s'il se réservait le soin de reprendre dans quelques jours, quelques semaines, la main pour replacer le ballon au centre et ainsi se concilier la bienveillance de tous ceux de ses électeurs que le virage à l'extrême-droite de pans entiers de l'UMP exaspère. L'objectif est clair : occuper tout le terrain, de l'extrême-droite au centre pour mieux étouffer, dans un premier temps, avec les seconds couteaux, Marine Le Pen et, dans un second, directement, Jean-Louis Borloo. La stratégie est classique et habile. Peut-elle réussir? Le défi est moins pour Nicolas Sarkozy d'empêcher des électeurs du centre de voter pour un candidat de gauche (les électeurs de droite continueront de voter à droite) que d'éviter que trop d'électeurs de droite ne s'abstiennent. Or, son déficit d'image, la méfiance qu'il suscite dans des pans entiers de l'opinion sont trop importants pour être balayés d'un coup. Il lui faudrait susciter de nouveau l'enthousiasme à droite. On dit qu'il prend modèle sur François Mitterrand. C'est oublier que celui-ci avait en face de lui un Jacques Chirac particulièrement agressif qui inquiétait. Qui peut dire que François Hollande ou Martine Aubry inquiètent?