L’art fractal
La théorie des fractales est émise pour la première fois par le mathématicien Benoît Mandelbrot et présentée en 1975 dans son livre fondateur : « Les Objets Fractals ».
Cette théorie mathématique, qui cherchait à rendre compte des figures et objets complexes, s’est alors étendue à de très nombreuses disciplines dont les arts plastiques.
Cependant, l’art fractal n’est pas une application des théories de Mandelbrot : il ne consiste pas à produire des images à partir de fonctions mathématiques, converties en fractales.
A l’image des grands mouvements artistiques comme le Cubisme, l’Abstraction, l’Art Cinétique ou encore l’Art Concret, l’art fractal bouleverse les modes de pensée, les codes visuels, et ouvre un nouveau champ de création.
L’année 1994 voit la naissance du groupe les “Fractalistes” et la revue Art Press (N°229) publie en 1997 le Manifeste du mouvement avec douze artistes signataires dont Carlos Ginsburg, Jean-Claude Meynard, Miguel Chevalier, Pascal Dombis, Joseph Nechvatal, Pierre Zarcate…
L’art fractal ou le déchiffrement du monde
Classiquement on décrypte le monde - on le code - à travers le regard d’Euclide, c’est à dire en utilisant des notions de plan, de droite, de surface, longueur, largeur, hauteur… cette géométrie euclidienne est liée au monde simple de l’époque grecque dans laquelle elle prit naissance 300 ans avant J.C : un monde organisé autour d’une mer unique, la Méditerranée, sur laquelle un homme comme Ulysse pourra naviguer pendant 20 ans sans jamais être repéré…
Aujourd’hui les seuls paramètres d’Euclide semblent insuffisants pour déchiffrer la complexité du monde : le chaos du monde, son expansion, sa mondialisation, ses systèmes proliférants, ses saturations, ses effets papillon, ses puzzles et recompositions…
Le monde actuel vit selon d’autres dimensions et d’autres perspectives et les plasticiens fractals, comme les cubistes à leur époque, travaillent à la représentation de cette nouvelle réalité.
En étudiant leurs œuvres (peintures, sculptures, créations numériques, installations, etc) des constantes apparaissent : des représentations démultipliées du réel infiniment répétées à des échelles différentes sans que jamais aucune figure ne perde son identité, chaque figure étant, à la fois, macro ou micro, un univers en soi et un autre univers : vaste clonage du réel qui équivaut à une représentation de l’infini - l’infini n’étant plus désormais l’effrayant vide pascalien mais la répétition sans limite d’une même figure : réplique continue.
Dans cette optique, les artistes fractals pensent parfois leurs œuvres comme « non finie » susceptibles d’être retravaillée, reformulée, même hybridée - l’œuvre comme l’émergence éphémère d’une hybridation : un passage.
Au fond, ce qui relie ces artistes, au-delà de leur profonde modernité, c’est leur appropriation des nouvelles dimensions du monde : un monde qui a perdu son centre, un monde qui se réplique et se recompose et dont l’artiste fractal sait apprivoiser la réinvention.