La situation est inédite et témoigne d'un cycle qui se termine. L'Europe et les Etats-Unis se retrouvent au pied du mur d'une dette publique abyssale qui, pour la première fois, n'est pas l'héritage d'un conflit destructeur mais, d'une fuite en avant sur 30 ans dans l'endettement, soudainement amplifiée par le transfert des dettes privées sur les Etats. Le cas grec démontre pourtant que le recours aux rustines ne suffira pas. La question des dettes souveraines induit celle du périmètre de la puissance publique et de son articulation avec l'ensemble européen.
Assainissement, rigueur et hausse des impôts constituent d'ores et déjà la sainte trinité économique de la plupart des gouvernements européens, France comprise. François Hollande construit son discours de présidentiable sur le délicat équilibre entre rigueur et espérance. Un parler vrai qui sera, il espère, payé de retour. En Face, Nicolas Sarkozy tentera cet automne de prendre l'opposition au piège de l'adoption d'un dispositif constitutionnel, "la règle d'or", visant à encadrer les déficits publics dans la Constitution.
François Hollande dans les colonnes du Monde tente d'esquiver la manœuvre par une pirouette : "pour réduire nos déficits et pour engager la France dans la voie du redressement de ses comptes, il ne faut pas changer de Constitution, il faut changer de président".
D'une façon générale, les socialistes renvoient Nicolas Sarkozy à ses propres turpitudes. Notamment d'avoir doublé le déficit budgétaire et fait passer la dette publique d'environ 65 % à plus de 85 % du PIB. Une situation qui ne serait pas uniquement le fruit de la crise mais de façon tout aussi importante de l'assèchement des recettes fiscales par une politique économique faisant la part belle aux exonérations et niches fiscales.
Lorsqu'on ne dispose pas des revenus correspondant à ses dépenses et que le recours à l'emprunt n'est plus possible il faut soit réduire drastiquement dans la douleur les interventions de la puissance publique soit, trouver des solutions innovantes.
A cet égard le PS, s'il parvient une bonne fois pour toute à arrêter une position commune sur la question de la construction européenne, dispose d'une bonne cartouche contre Nicolas Sarkozy. Alors que le Chef de l'Etat par son effacement et ses silences tente de se forger un costume présidentiel, l'enlisement de l'UE dans le règlement du cas grec constitue une belle épine.
François Hollande ne rate pas l'occasion de dénoncer le mauvais fonctionnement de l'attelage franco-allemand incapable de sortir l'UE de l'ornière des dettes souveraines. Le constat d'une défaillance du pouvoir politique en Europe est aujourd'hui flagrant. Notre continent manque cruellement de dirigeants à la hauteur des enjeux historiques du moment.
Cette situation renvoie à la mise en garde de François Mitterrand à la veille de quitter l'Elysée : "ne séparez jamais le destin de la France de celui de la construction européenne".
Dans ce sens, on notera avec intérêt la déclaration commune, Martine Aubry et 12 autres leaders socialistes européens se sont mis d'accord sur une feuille de route commune qui propose de mutualiser les risques et de protéger les États les plus faibles.
Si aujourd'hui l'Europe ne peut être considérée comme LA solution elle en constitue néanmoins un bout, ne serait-ce que par le fait de sa virginité en termes de dette. L'échappatoire à une rigueur brutale pour les Français et les autres peuples européens passe par la mise en place d'un embryon de fédéralisme budgétaire et le basculement des dettes souveraines vers l'UE avec en contrepartie l'émission de bons du trésor européen (eurobonds).
Il s'agirait donc de répondre au transfert de la dette privée vers les Etats par un transfert de la dette de ceux-ci vers l'UE.
Certes, il ne s'agirait que d'un "one shot", une opération non réitérable pour sortir de la trappe de l'endettement mais néanmoins capable de relancer la construction européenne et de faire émerger un bloc économique européen capable de rivaliser avec les puissances émergentes mondiales.
Croître ou disparaître l'alternative est basique mais l'heure des choix a sonné. Redonner de l'espérance aux peuples impose de retrouver des marges de manœuvres pour les gouvernements nationaux par une mutualisation des moyens comme cela s'est opéré à petite échelle dans notre pays avec le développement de l'intercommunalité.
C'est aujourd'hui le modèle de l'Etat providence à l'européenne, à la fois généreux et dispendieux, qui vacille. Un modèle unique au monde, largement envié que l'on ne peut se contenter de voir se déliter par tarissement des ressources. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans un pays exsangue, nos aînés ont su construire un modèle de société basé sur la solidarité. Ne bradons pas cet héritage et retenons-en la leçon : en avant l'Europe ! C'est le plus beau cadeau que nous pouvons faire à la jeunesse du vieux continent.