L’essentiel de ses lectures, partagées avec deux jeunes comédiennes, sera fait de textes qu’il prend dans son Eloge de l’antichambre, qui a reçu le Prix de poésie François Coppée 2006 décerné par l’Académie Française.
C’est un recueil où l’on peut lire des textes très intimes, remplis d’ombres et soucieux du temps qu’égrènent les horloges de l’attente. Le titre du recueil aurait pu être Horloge de l’antichambre, puisque, dans ce lieu entre deux, on ne fait qu’attendre, épier, espérer, se préparer, sous le tic-tac d'une horloge. Et, si je me permets ce jeu de mots, ce glissement de sens, c’est que l’auteur lui-même n’en est pas avare. Que, derrière eux, il cache et révèle, selon le « mentir vrai » qu’avouait Aragon, des moments d’une grande intensité affective, amoureuse, de corps qui se prennent, qui se déprennent, qui vivent ardemment, qui meurent peut-être solitaires.
Le recueil est composé de deux parties, la première que je viens d’évoquer, la seconde plus tournée vers l’engagement social et littéraire, vers les paysages musicaux de ses voyages, au contact de la polyphonie des langues parlées, connues.
Une recherche formelle est manifeste dans les pages du livre, une marge qui s’éloigne régulièrement du bord intérieur comme une lame, la courbe où s’appuie le bord droit d’un poème intitulé Chapelet (où s’égrène l’attente), prose alternant avec des vers, majuscules et minuscules entamant ces mêmes vers, certains textes faisant se succéder régulièrement singulier et pluriel, masculin et féminin. Ce n’est pas seulement un exercice de mise en page, c’est bien parce que l’homme qui écrit, celui qui, ce soir-là, nous lisait ces textes, est fait de la sorte : dans le masculin qu’il présente, il y a du féminin ; sous son nom et son lieu de naissance, c’est le multiple qui s’exprime ; et il écrit parfois comme on sculpte, en évidant, en creusant, en frottant, en cherchant peut-être le point « où s’arrêt(e) le temps ».