Derniers Acacias, derniers nomades ?

Publié le 17 juillet 2011 par Yasida


photo © John Newby /SCF

Sahara

Sable, Regs,

tourbillons, immensité,

Acacias crucifiés,

Plateau ocre de ma terre,

Couvercle de ciel toujours vierge !

Couleurs sempiternelles de mon Sahara !

Ici, tout mue, tout meurt

Pour revivre la nuit.

Bêlements, chœurs, Romances,

Pas lourds des danseurs,

Chuintement des épineux,

Chuchotement des reptiles en chasses,

Silence langagé,

Confidences,

Cimetières de paroles tues,

C'est la vie d'un siècle qui

le Lendemain

Dès l'Aube

S'évanouit!

Ibrahim ag Mohamed


Tamat, Tahidjarte, Tafagagt autant de noms Touareg qui signifient l’Acacia dans le Sahara ou les déserts libyen, algérien, tchadien, soudanais, nigérien, malien et mauritanien.

Dans cette immensité géographique désertique et aride survivent les derniers nomades Touareg, Toubous et Arabes éleveurs de chameaux, de moutons, de chèvres, et des vaches accompagnés des chiens Sloughis depuis des millénaires.

Ces nomades ont su cohabiter avec intelligence et une certaine harmonie avec le Sahara, sa faune et sa flore depuis des siècles. Aujourd’hui l’équilibre établi par ces populations avec leur environnement est remis en cause fortement par les appétits des gouvernants et des multinationales qui convoitent les richesses minières de cette partie du monde.

Acacias-Tamat source de vie au Ténéré

Les animaux mangent les feuilles de l’Acacia, les hommes lui attribuent beaucoup des vertus thérapeutiques et lui voue une admiration sans borne. C’est l’arbre-compagnon des nomades dans cette immensité de calme et de solitude. C’est sous l’Acacia qu’on se repose à midi lorsque le soleil tape dur et que même les chameaux ont du mal à avancer. C’est aussi de l'acacia que l’on coupe soigneusement quelques branches avec leurs épineux pour calmer la faim et la soif du chameau si loin de toute végétation.


aquarelle A. Tambo

L’acacia, pour grandir et se renforcer dans cette étendue désertique ou il ne pleut qu’une fois tous les 10 ans, a besoin du passage de l’homme et des animaux. L’homme pour l’élaguer, et le déshabiller chaque année de son écorce, afin que la prochaine saison froide Ikirmân les larmes puissent couler et former des croutes argentées transparentes dont raffolent les guérisseuses sahariennes, les oiseaux et les gamins.

Les animaux lui permettent une fois qu’ils ont mangé les épines et les branches du haut, de repousser encore plus fort comme à la suite d’un passage des hommes chez le coiffeur.

Les gamins adorent monter dessus, mais aussi manger les larmes en saison froide en curant l’écorce blessée, ce qui entretien et assure la prochaine « coulée » des Ikirmân.

Les guérisseuses sahariennes passent pour récolter les feuilles pour en faire « lassrir » (aspirer par le nez, une fois les feuilles écrasés) médicament contre les rhumes. Elles en font aussi des enduits des feuilles mise en pâtes contre les coups et morsures du soleil. Mélangé à d’autres racines des arbres sahariens elles soignent avec aussi les maux d’estomac, le diabète, les nausées etc.

Derniers Acacias, derniers nomades ?

L’acacia est le compagnon depuis des siècles de notre environnement à nous Touareg et à nos voisins avec lui nos aïeux ont connu un Sahara plus verdoyant. Aujourd’hui à l’heure du réchauffement climatique et de la dégradation environnementale suite aux sécheresses, aux essais nucléaires français des années 60 entre l’Algérie et le Niger, mais aussi à la pollution due à l’exploitation de l’Uranuim à Arlit depuis 50 ans au Niger en plein Sahara, du pétrole à Oubary (Libye) à Hassi Messa-ouid (Algérie) du pétrole (Tchad) du fer (Mauritanie) des futurs mines d’Uranium, de pétrole (Mali) et de la nouvelle course des multinationales vers le Sahara, l’Acacia ne pleure plus des Ikirmân transparents et argentés plein de vertus, il pleure des radiations et l’histoire de ses peuples, jardiniers de l’infini meurtris par la marginalisation dont la dépossession des terres, la déforestation, la pollution due aux mines annoncent la disparition et la fin d’un équilibre si précieux pour la faune et la flore non emmurés.

L'Acacia-Tamat est cet arbre épineux avec des petites feuilles et qui donne des fleurs jaunes au printemps, qui se dresse dans l'infini du Ténéré (désert) que vous pouvez voire sur certaines cartes postales du Sahara.

Ibanakal Tourna


photo © John Newby /SCF

Tamat

Tamt, mythe et miracle des infinis désertiques,

Ta fleur jaune incarne la beauté de la femme aimée.

Des mille nuances de ta couleur nimbées de senteurs sublimes,

Tu dispenses la vie par la grâce de tes vertus salvatrices

Tamat, ton endurance défie l'aridité implacable du désert 

Tu es la constance et la générosité de la Vie,

Dans l'intemporel et l'éphémère des sables.

Tamat, toi que l'immense poète Rhabitine a tant chanté,

Comparant ta divine essence à celle de

Fatma, la sublime beauté targuie.

Rhissa Rhossey


 Sahara Conservation Fund

L’acacia et l’herbe folle
Dans un désert de pierre et dans cet éternel espace de solitude et de silence, deux âmes se rencontrèrent. Fatiguées par l’aridité de l’air et malmenées par les vents chauds et froids, deux graines poussèrent : un acacia et une herbe .


La puissance du soleil sur l’immensité du désert et le mystérieux silence qui y règne éblouirent les deux âmes. Elles ne s’étaient jamais aperçues.


Un jour enchanté de pleine lune d’été, alors que la vie chantait et dansait sur les pistes du reg, l’acacia secoua ses branches et dégagea son doux parfum de mimosa .


Emporté par la légèreté de la brise, le parfum atteignit l’odorat de l’herbe.
L’herbe ouvrit les yeux et d’une inspiration, elle s’enivra des sens.
- « Hum ! Que ça sent bon ! »
Ainsi nos deux âmes s’aperçurent, se regardèrent et se saluèrent .
- « Qui es tu petite herbe ? D’où viens-tu ? Et que fais-tu ici ? »
Tout en sourire et sans réfléchir, l’herbe répondit :
- « On m’appelle la naïve ».
L’acacia ironisa :
- « Naïve ? Existe-t-il des herbes naïves de notre temps ? »
Toujours souriante :
- « On m’appelle aussi : la mauvaise ou la folle ! »
L’acacia prit le fou rire :
- « D’accord tu es mauvaise et folle mais comment fais-tu pour survivre dans un pareil   désert ? »

- « Le désert est grand, il m’a accueilli quand la bonté du monde a ignoré ma folie.
Le désert est sage et dans son silence, j’ai érigé mon ermitage. »
La mauvaise herbe huma le parfum de l’acacia mais redouta ses épines .
Son cœur esseulé lui fit signe et la pria de le libérer
- « Herbe folle, tu as perdu la raison ; mais pas ton cœur !
Ne me sens-tu pas étouffer ? »
L’herbe pas si mauvaise qu’on le prétendait, ouvrit la porte de son ermitage et libéra son cœur . Un bonheur l’inonda et un vertige béat l’ébranla.
Désormais herbe folle ne verra, n’écoutera, et ne parlera que par son cœur.
Son cœur désira acacia et herbe folle céda.
Le doute d’être incomprise la rongea mais une infinie tendresse la rassura.
- « Acacia tu es un de mes arbres préférés, tu es toujours verdoyant, tu dégages de bonnes senteurs, tes vertus sont déjà reconnues et ton ombre est généreuse. Néanmoins tes épines sont redoutables, tu incarnes en même temps la confiance et la méfiance.


Tes racines sont profondes dans le sable et ta tête s’élève haut dans le ciel.
Ta compagnie me réconforte et tes paroles me font rêver. »
Nos deux âmes parlèrent et bavardèrent ; ainsi des jours et des nuits filèrent et une complicité s’installa entre elles.
Herbe folle, dans l’extase de la liberté, exorcisa son silence. Elle était spontanée et émerveillée. Elle répandait de l’amour autour De l’acacia, un amour libre et inconditionnel, un amour poète et aventurier :
- « Acacia tu me plais ! Tu as réveillé en moi une flamme que je pensais éteinte depuis l’éternité. »
Acacia essaya de l’écouter, il semblait préoccupé. Il faisait vibrer ses branches et les replia,
ses épines se dressèrent et son feuillage s’hérissa.
Il ne voulut pas de cet amour libertin et refusa le destin qui lui était proposé.
Herbe folle remarqua son désarroi et pour le conjurer, elle se lâcha et annonça
-« Amour ! »
-« Ire et délire ! », rétorqua acacia
Étonnée, herbe folle essaya de déjouer sa réaction.
-« Amitié, peut être ? »
Acacia
- « Qu’est ce que les mots, sinon des maux en plus ? Pourquoi s’attarder sur leurs significations, alors qu’ils ne prennent de vrai sens que s’ils sont imprégnés d’amour ? »
-« Acacia , dans le désert de la solitude, tu es un ami, un compagnon ou une âme sœur.
L’essentiel est le pouvoir de donner le pouvoir d’aimer et d’être aimé ! L’herbe folle reste sans vertu au regard seulement de celui qui perd sa passion : Amour ou Amitié ? Ne t’en faits pas acacia, restons dans l’humanité ! »
Herbe sauvage regagna son ermitage, ni déçue, ni émue et avec beaucoup de tendresse, lui dédia un petit poème :
Herbe folle pousse sans vertu
Et dans l’amour, se perpétue !
Acacia de mes souvenirs,
Rester humain s’avère le plus dur !

ramo57