Magazine Bien-être

Sortir de la souffrance - Jacques Vigne (1)

Par Guimay

Compréhension profonde et moyens pratiques pour inverser le processus de souffrance

L'être humain, au fond, fonctionne mentalement comme un enfant qui essaie d'embrasser son image dans un miroir sans réaliser qu'il s'agit de lui-même. Il cherche son bonheur en l'associant faussement à toutes sortes d'objets, voire de gadgets extérieurs. La psychologie moderne bien comprise, et surtout le Yoga et la sagesse de l'Inde, donnent une compréhension profonde et des moyens pratiques pour inverser ce processus.

SORTIR DE LA SOUFFRANCE - Conférence de Jacques Vigne

donnée le 7 mars 2006 au Centre Culturel Alpha

Reflet dans l'eau
La souffrance enveloppe toutes les élaborations mentales qu’on fait autour d’une douleur physique. Beaucoup à dire en médecine et en psychologie. Pour prendre un exemple précis, quand on fait des expériences sur les médicaments antalgiques, si moins de 50% ou 50% des gens sont améliorés par le médicament antalgique, mais pas plus, on pense que c’est l’effet placebo. C’est cet effet placebo qui peut faire diminuer la douleur. La souffrance évoque les anxiétés qu’on met autour de la douleur physique : devrai-je être opéré? Est-ce un cancer? Aurai-je de quoi payer les médicaments? Etc... Tout cela forme la souffrance humaine et tout le côté psychologique. La douleur ou la souffrance, cela permet de faire un éveil spirituel.

On peut commencer par une histoire zen que j’aime bien et qui va dans le vif du sujet. C’est un chercheur spirituel, un jeune moine, qui veut aller voir un maître dans la montagne, il a entendu dire que c’était un grand maître. Donc il y va, il frappe à la porte, le maître entrouvre la porte, le voit, le regarde des pieds à la tête et lui ferme la porte au nez. L’apprenti disciple est très vexé, blessé d’avoir fait tout ce chemin pour se faire fermer la porte au nez. Il redescend le petit sentier de montagne et comme souvent, quand on est en colère, il fait moins attention où il met les pieds et crac, il se cogne le petit doigt de pied sur une pierre bien aiguë. Ça lui fait un mal de chien. Et l’histoire dit qu’à cause de ce mal de chien, il a eu le « satori », l’éveil immédiat. (Rire) Cette histoire est très belle parce qu’il y a à la fois la combinaison de deux facteurs. Il y a une douleur physique à laquelle on ne s’attendait pas, et en général quand on a mal, on espérait toujours ne pas avoir mal et puis une influence spirituelle, l’influence du maître et les deux combinés, ça peut donner un éveil. Même si on n’est pas dans une relation de maître à disciple, le fait d’avoir des notions de vie spirituelle, ça aide à faire quelque chose d’utile avec la douleur.

En général, on ne rentre pas comme ça sur la voie spirituelle, il faut quelque chose qui vous pousse, un aiguillon, un peu comme l’éperon pour le cheval qui l’oblige à avancer et donc, ça peut être toutes sortes de choses. J’avais une conversation avec une Anglaise qui était venue en Inde à 19 ans et qui avait rencontré son maître sur les bords du Gange et qui était toujours là à l’âge de 50 ans, qui avait fait beaucoup de sadhanas ; on peut dire qu’elle était réellement avancée spirituellement. Quand elle parlait de son enfance, elle m’a dit, cela m’a frappé, « j’ai eu des souffrances dans mon enfance » ; puis elle s’est reprise et a dit : « non, au fait j’ai eu une adolescence tout à fait normale avec des petites déceptions. » Mais elle a réfléchi profondément sur ces petites déceptions et cela l’a mise sur la voie spirituelle, ou en regardant la télé, elle ne s’est pas dit, bon, on va continuer comme ça, on va chercher d’autres aventures ou se distraire en s’amusant ou en regardant la télé ou en faisant des jeux informatiques comme de nos jours, non, elle s’est dit il faut aller profondément. Qu’est-ce que c’est que la vie ? Pourquoi ai-je eu ces petites déceptions, ces problèmes de famille etc…Pourquoi ça ? Et en allant profondément, finalement elle a développé un sens spirituel qui s’est confirmé en Inde, elle a médité longtemps aux sources du Gange et maintenant elle est toujours sur les bords du Gange et beaucoup de gens viennent la voir pour lui demander des conseils.

Alors donc, ce qu'il faut comprendre, dans l'Orient et dans l'Inde en particulier, c'est que le bonheur est notre vraie nature. C'est affirmé de façon très solennelle dans la Taityria upanishad, c'est un texte très ancien, probablement écrit dans le sud de l'Inde, il y a la deuxième partie de cette Upanishad, qu'on appelle « Anandavali », « vali » ça veut dire partie et « ananda » ça veut dire félicité; et dedans on explique très clairement qu'au début, il y avait une masse de bonheur, et l'auteur pose cette question : qui vivrait, qui respirerait s'il n'y avait pas cet « ananda », cette félicité dans l'air? Donc pour ces mystiques très directs des Upanishads, cette félicité est répandue dans l'air et c'est elle qui nous permet de vivre, elle qui nous permet de nous développer. Et récemment, j'étais à Chennai, donc Madras, avec Desikachar, j'accompagnais un groupe là-bas, je les aidais à traduire aussi d'anglais en français, un groupe d'amis qui font du yoga avec Desikachar, c'est un professeur de yoga très connu, dans une tradition du sud de l'Inde, et on l'a vu une heure au début, il a présenté l'enseignement et il insistait sur le fait qu'on faisait du yoga pour être heureux, il est revenu à cet ananda et cela m'a fait rappeler que cet upanishad avait été écrite dans le sud de l'Inde, donc c'est toujours la même tradition qui continue 2500 ans plus tard, on revient à l'essentiel, donc à cette félicité.

Au fait on cherche tous le bonheur, mais on ne prend pas le bon chemin. Il y a une image que j'aime bien, qui est très simple, c'est celle de l'abeille. Vous avez vu l'abeille ou la guêpe, elles veulent aller vers les fleurs qu'elles voient dans le jardin quand elles sont à l'intérieur de la maison, mais elle se butent sur une vitre fermée, et même si la porte est ouverte, elles n'auront pas l'idée de battre en retraite, d'aller un peu de côté et passer par le porte grande ouverte pour pouvoir butiner les fleurs; au contraire, elles buteront toujours sur la même vitre et finalement elles mourront et on les trouvera le lendemain, mortes au pied de la vitre, si on ne pense pas à les libérer. Et ça, c'est le bon exemple de notre mental, on cherche le bonheur et c'est tout à fait juste de chercher le bonheur, mais comme on a une idée qu'il faut aller dans un certain sens, eh bien on bute sur une vitre et on n'y arrive jamais et à la fin on meurt, on se retrouve au pied de la vitre, sans avoir atteint ce bonheur, Et ce que dit l'Inde et le Bouddhisme aussi, c'est qu'il faut savoir battre en retraite, aller un peu de côté, passer par une porte grande ouverte pour arriver dans le jardin. Voilà, dans la Bhagavad-Gita on parle aussi beaucoup de la souffrance et comment s'en libérer, et on définit le yoga comme « dukham viyoga » en faisant un jeu de mots en sanscrit : yoga = union, viyoga veut dire séparation et dukha, ça veut dire souffrance. Cette souffrance au sens large est à la base de l'expérience humaine, et ça veut dire : la séparation de la souffrance; on a des causes de souffrance et avec le yoga on trouve le moyen de s'en séparer. Vous savez sans doute que le Bouddhisme aussi est fondé là-dessus. Le Bouddha a enseigné la souffrance et la voie hors de la souffrance, ce qui faisait dire à Nietzsche que le bouddhisme était la seule religion rationnelle de l'humanité puisqu'il parle d'une expérience que tout le monde a; même les enfants dans un cocon, d'une manière ou d'une autre, ils trouveront la souffrance sur leur chemin. Donc, il faut se demander quelles sont les racines de cette souffrance, chercher les remèdes et finalement se libérer de cette souffrance. Une autre définition du yoga c'est « samatvam », l'équanimité, l'égalité vis-à-vis de la souffrance et du plaisir, des émotions positives et négatives et ça on en reparlera quand on parlera de la méditation vipassana qui peut aider à aller au delà de la souffrance et du plaisir, car en psychologie populaire on se dit : je ne veux pas la souffrance, je ne veux que la joie, le plaisir, et en Inde on dit : c'est comme les deux faces de la même pièce et donc il faut aller au-delà, sinon quand on a un peu de plaisir, on a toujours la peur de la souffrance qui peut venir. Donc ce n'est pas une joie pure, c'est un plaisir avec de la peur autour... (à suivre)

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Source texte : VIGNE Jacques. Conférence : sortir de la souffrance [en ligne] (page consultée le 19 juillet 2011). Adresse URL : http://amis.univ-reunion.fr/amis/index.php?option=com_jevents&task=icalrepeat.detail&evid=350&Itemid=83&year=2006&month=03&day=07&title=sortir-de-la-souffrance&uid=93cf60a1fd51491097c2677c27f38058

Source image originale :http://www.flickr.com/photos/xyotiogyo/1356081311/ -

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