Parce que "le risque du nucléaire est trop fort", le Premier ministre japonais Naoto Kan a formulé jeudi dernier le voeu de "tendre vers une société qui puisse vivre sans réacteurs nucléaires." Quatre mois après la catastrophe de Fukushima, le débat portant sur l'abandon du nucléaire au Japon est enfin lancé.
"Nous devons tendre vers une société qui puisse vivre sans réacteurs nucléaires." Tel est le voeu que le Premier ministre japonais a prononcé mercredi 13 juillet, quatre mois après la catastrophe deFukushima. Alors que la position officielle de Tokyo était jusqu'à présent le maintien de l'atome dans le bouquet énergétique national, le chef du gouvernement a reconnu devant la presse avoir "réalisé" la nécessité de renoncer au nucléaire. La déclaration, jugée peu convaincante par les médias et le milieu des affaires, a suscité de vives critiques à travers le pays.
En effet, Naoto Kan n'a donné aucun échéancier pour une éventuelle sortie du nucléaire. De plus, le nucléaire fournit 30% de l'électricité au Japon. 35 des 54 réacteurs nucléaires sont actuellement à l'arrêt car soumis à des tests de résistance. Selon les experts, si les réacteurs arrêtés tardent à redémarrer, les coupures de courant et le rationnement d'électricité que subit déjà le Japon en pleine chaleur estivale, s'aggraveront.
Aussi, malgré ces déclarations, le gouvernement japonais a l'intention de réactiver une partie des 35 réacteurs nucléaires arrêtés, une fois les tests de résistance passés et la sécurité assurée.
"Brandir une pancarte 'Sortons du nucléaire' au moment où l'on prédit une pénurie de courant est tout simplement irresponsable", a jugé le Yomiuri Shimbun, le quotidien japonais le plus lu. "M. Kan a dit en juin qu'il quitterait ses fonctions une fois atteint un certain stade dans la résolution de la crise de Fukushima et la reconstruction. Il n'est pas en position de prendre une orientation politique si importante pour le pays à un horizon de 20 à 30 ans", a estimé pour sa part le Nikkei, premier quotidien économique japonais.
A l'instar de ces deux influents quotidiens, la principale fédération patronale, le Keidanren, juge les sites nucléaires indispensables pour éviter une désindustrialisation du Japon et garantir un approvisionnement stable en électricité à coût modéré. "Dans un pays pauvre en ressources, il faut réfléchir à long terme sur la base de données concrètes pour constituer le meilleur panier énergétique", a réagi le patron de JNFL, société impliquée dans le retraitement de combustible nucléaire.
Le Premier ministre qui est au plus bas dans les sondages, a effectué hier sa 5e visite à la préfecture de Fuskushima et ses propos rassurants quant à la gestion de la crise, contrastent quelque peu avec ses déclarations tonitruantes de la semaines dernières.Ainsi, des rumeurs circulent sur une éventuelle réduction de la zone d'évacuation autour de la centrale nucléaire accidentée. Les autorités cherchent déjà à réinstaller les habitants de la zone des 20 km autour de la centrale.
Le gouvernement semble avoir déjà oublié que d'importantes quantités de radiation ont été diffusées dans l'atmosphère, les sols et l'eau de la région depuis l'accident. Et que, comme à Tchernobyl, elles menaceront encore toute forme de vie pendant des centaines, voire des milliers d'années.
Les déclarations du Premier ministre Naoto Kan ont-elles été prononcées pour rassurer une partie de l'opinion ? Pour le moment, on constate qu'aucune stratégie politique ne permet d'appuyer ses mots.
Alicia Muñoz