Depuis que le coureur a endossé le maillot jaune à Saint-Flour, la "Voecklermania" fait des ravages. Grâce à son maillot jaune, la petite reine reprend des couleurs.
Il y a des gens pour lesquels on a une profonde sympathie. Parce qu’ils dégagent quelque chose de fort et de personnel, un fluide magique, une bonhommie, de la bonne humeur. Parce qu’ils ont de l’esprit, le sens de l’humour et de la dérision, Parce qu’ils sont intègres et sincères et parlent « juste ». Parce que leur idéal fait honneur à leur métier. Il y a tout cela chez Thomas Voeckler, devenu en quelques étapes, le petit fiancé de la République. Celui que l’on aime parce qu’il se bat avec ses moyens contre plus forts que lui. Parce qu’il défie le pouvoir en place, sans arrogance ni prétention, mais avec son cœur et son courage. Parce qu’il reste lui même dans ce qui est devenu le grand défi de sa carrière ! ...
Mais Thomas Voeckler aime son sport. Il ne l’aime pas pour l’argent mais pour ce qu’il lui apporte de bonheur et de camaraderie. Cela transparaît à chaque instant dans ses propos mais aussi dans son attitude quotidienne et il est à souhaiter que son exemple fasse école pour que le sport cycliste redevienne ce qu’il était : une école de vie, exigeante certes, mais riche d’amitié et de moments forts inoubliables. Entre copains.
Pantani décédé, Armstrong retiré, Ulrich écarté, Heras déchu, Hamilton proscrit, Landis viré, Mayo éliminé, Valverde interdit, Ricco banni, Basso diminué et tous les autres qui ne sont plus les mêmes, des frères Schleck à Contador, lesquelsi ne parviennent plus à distancer Voeckler dans la montagne : il y a de quoi se poser des questions sur le déroulement du Tour 2011 ! Serait-ce que le vélo n’est plus le même qu’avant ? Qu’il y a subitement quelque chose de changé au royaume de la petite reine ?
Souvenons-nous : 1997, les Festina en surnombre dans une échappée partie sur les pentes du Glandon ; 1998 le scandale qui ébranle le Tour. Puis les années Armstrong, l’extra-terrestre, qui gravissait les pentes de Sestrières, du Mont-Ventoux, de l’Alpe d’Huez, de Luz/Ardiden et du Plateau de Beille plus vite que son ombre. Un cyclisme frelaté, dénaturé, glauque. Une image faussée par une dérive qui a trop longtemps pourri le milieu, au point d’en détourner de nombreux fidèles inconditionnels.
Thomas Voeckler offre au vélo une véritable rédemption. Ceux qu’il ne pouvait suivre jadis, les tricheurs, ne sont plus là, où de moins en moins nombreux, on l’espère. En revanche, lui est toujours à sa place, avec ses mêmes qualités, son courage, son enthousiasme communicatif et sa franchise, mais aussi cette humilité qui le laisse si proche des gens et le rend si populaire. A plus de trente ans, il est difficile de s’améliorer sur le plan physique. En revanche, on devient meilleur dans la compréhension et la gestion de la course et de ses efforts. Ce n’est sûrement pas lui qui a changé. Sa philosophie est la même, sa clairvoyance, aussi et cela fait du bien.Ce sont les autres qui n’évoluent pas, ou plus, à leur niveau habituel, tiens, tiens. C’est une évidence après les trois étapes pyrénéennes qui en d’autres temps auraient fourni des écarts autrement plus importants que les quelques secondes qui ont départagé les favoris.
Parmi eux, Thomas Voeckler. C’est cela la grande nouveauté car il semble bien que la peur du gendarme ait refréné les ardeurs de certains, au point de revoir à la hausse les actions du maillot jaune actuel. Il faut s’en réjouir même si le spectacle s’en ressent, si le feu d’artifice annoncé par des commentateurs trop zélés n’a donné lieu qu’à des pétards mouillés ! Désormais le Tour entre dans sa troisième semaine et il faudra bien que tombent les masques. Mais quoi qu’il arrive sur les pentes du Galibier et de l’Alpe d’Huez, Thomas Voeckler aura gagné son Tour et contribué à le remettre sur le bon chemin.
Bertrand Duboux