L’administration de Barack Obama s’est résignée à reconnaître les rebelles libyens comme des interlocuteurs légitimes, accordant ainsi au Conseil national de transition (CNT) la qualité de gouvernement de fait du pays en guerre. Cette annonce, qui a fait plaisir à Paris et à Londres, doit toutefois déboucher rapidement sur un appui plus concret à la rébellion, pour que cette dernière en tire un réel avantage dans son bras de fer indécis avec le colonel Mouammar Kadhafi.
La reconnaissance américaine a été annoncé le 15 juillet à Istanboul par la secrétaire d’état Hillary Clinton, dans le cadre d’une réunion du Groupe de contact international sur la Libye, où le conflit est entré dans son cinquième mois. L’appui explicite de Wasghinton s’était fait attendre, et il est intervenu bien aprés celui accordé trés rapidement par Paris, Londres, et Rome.
La réticence des Etats-Unis face à la rébellion s’expliquait par le manque de clareté sur la véritable nature du CNT, un groupe hétéroclite qui s’est auto-désigné comme le gouvernement de fait en Libye. Il est composé de personnalités dont, pour certaines, l’engagement contre Kadhafi est récent, et dont la représentativité et la capacité à gérer un pays divisé par une guerre civile restent à démontrer.
La décision de Washington de reconnaître le CNT a peu de chose à voir avec un changement radical à l’égard de cet organisme. Mais la neutralité des Etats-Unis devenait embarrassante pour Washington et ses alliés. Elle soulignait une hésitation sur le dossier libyen déjà illustrée par l’arrêt de la participation américaine aux frappes aériennes en Libye, deux semaines aprés leur début à la mi-mars sous mandat de l’Onu.
Le paradoxe d’une intervention menée par l’Otan mais sans la force de frappe du premier pays de l’Alliance est devenu d’autant plus criant que les bombardements censés faire céder Kadhafi, et qui durent depuis plus de cent jours, n’ont pas donné les résultats escomptés.
Le soutien américain est certainement un encouragement pour Paris et Londres, qui sont en pointe dans la bataille pour déloger le colonel Kadhafi de son fief de Tripoli. Leur engagement leur avait valu des critiques de la part de la Russie et de la Chine, et il fallait resserrer dans cette affaire les rangs de l’Occident.
Ce soutien sera également bien accueilli par la rébellion qui veut se lancer dans une nouvelle tentative contre Tripoli. Mais les groupes de Cyrénaïque –les combattants de Bengazi–, et ceux du Djebel Nafussah — des clans berbères– au sud-ouest de Tripoli, semblent indécis face à la perspective d’une attaque frontale en Tripolitaine. Ils sont encore mal équipés et désoganisés face aux forces loyales au colonel Kadhafi, qui se battent pour leur survie.
Outre ces hésitations, les opérations militaires en Libye devraient également être handicapées par l’arrivée du mois du ramadan, qui débute le 1er août. Traditionnellement, les activités même belliqueuses se ralentissent pendant cette période de piété et de jeûne. Et la reconnaissance de Washington arrive tardivement pour créer d’ici là sur le terrain une nouvelle dynamique à même de débloquer la situation.
Tout au plus servira-t-elle à soutenir diplomatiquement et financièrement le CNT, qui s’est jusqu’ici montré incapable de conclure seul la bataille pour le contrôle de la Libye, de son pétrole, de son gaz, et de sa façade maritime si proche des rives de l’Europe.