Mieux vaut être une ville franchement démodée comme Londres, qu'un New York manqué, comme Berlin ou Moscou

Par Damien Besançon


Le grand changement (j'arrive là en 1976), c'est que j'ai connu une ville "apaisée", enfin victorieuse de la planète, en train de s'arrêter pour se contempler. L'élégant World Trade Center est maintenant là pour longtemps, en pointe. Plus de frénésie comme dans les années 50 et 60 ("tu arrives trop tard, ça repart dans l'autre sens", me dit une amie dans l'avion). New York est en plein vol, la bonne technique, pour un insecte humain, est de s'y glisser sans bruit, de prendre sa distance intérieure, de rester chez soi, d'écouter en profondeur.
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Le rien scintillant de New York est le programme de la Terre. Le Messie est venu, il s'appelle régulation technique. Ce n'est pas possible ! Le Temps doit aller quelque part ! Mais non. La bombe a explosé de l'intérieur : répétition, annulation incessante de tout par tout. Débrouillez-vous avec cette apocalypse tranquille.

Philippe Sollers, septembre 1987, préface au New York de Paul Morand (printemps 1929), GF-Flammarion, 1988 - le titre est extrait du livre de Morand, p. 197.