Poezibao a publié récemment un entretien avec Jean-Baptiste Para à propos du poète russe Zabolotski.
André Markowicz traduit également ce poète majeur. Poezibao propose ici une de ses traductions inédites.
L’automne
Dès que la fin du jour façonne
Un éclairage induit par la saison,
Les grandes constructions des bois d’automne
Fondent sur l’air les plans de leurs maisons ;
Les éperviers s’y voient, les freux y dorment,
Les cumuls sont devenus informes.
Le fond des feuilles s’est décalcifié,
Il couvre tout le sol. Pesante et sage,
Une ample créature à quatre pieds
Fend le brouillard jusqu’au prochain village.
Bœuf ! Bœuf ! Ton règne est en sommeil.
L’ambre et l’érable imitent le soleil.
Esprit d’Automne, inspire mon stylo !
Le diamant est diffus dans le dessin de l’air.
Le bœuf tourne au coin du silo
Et le cercle solaire
Est suspendu sur un terrain bossu
Dont il rougit la frange du dessus.
Écarquillant les globes de ses yeux,
Un grand oiseau vole à hauteur moyenne.
Un cœur humain vit au milieu
De cet oiseau — on veut qu’il s’y maintienne
En germe, et cependant, je ne sais quoi l’empêche.
Le scarabée sort de sa hutte en feuilles sèches.
Architecture de l’Automne. La répartition
De l’espace aérien, du bois, de la rivière.
Répartition de la population
Humaine et animale, et la lumière
Où tant de feuilles font des friselis —
Mille autres signes que l’Automne lie.
Le scarabée sort de sa hutte en feuilles sèches.
Cornes pointées, coupant sans bruit
Ses brins, ses bribes d’herbes qu’il ébrèche
Pour faire un tas plus grand que lui,
Et puis, il sonne dans son petit cor
Et disparaît — un petit dieu en or.
Et puis, le vent surgit. Ce qui était limpide,
Spacieux et propre et parfumé
Devient désagréable, informe et vide,
Inextricable. Un vent repousse la fumée,
Agite l’air, fait un festin de feuilles,
Ricoche à la surface qui l’accueille.
Et puis, la glace est stable.
Le cuivre de l’érable
Tinte, et, cognant sur un petit rameau,
Devient un signe ou un début de mot
Que la nature a découvert
Pour nous montrer qu’elle entre dans l’hiver.
1932.
Nikolaï Zabolotski (traduction inédite d’André Markowicz). Le poème est tiré du Deuxième livre de Nikolaï Zabolotski (c'est le nom du recueil, et, de fait, c'était son deuxième livre), publié en 1937 — mais il date de 1932, pp. 20-22.
André Markowicz a consacré un texte à Zabolotski dans ses Figures ("Il suivait le combat de l'herbe...")
Nikolaï Zabolotski dans Poezibao :
bio-bibliographie, extraits 1, entretien avec Jean-Baptiste Para
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