Beaucoup de gens du Nouvel Age sont des esclaves de l'extase. L'expérience extatique est perçue autrement par le bouddhisme, qui la considère comme une forme inférieure de conscience, et même comme un obstacle sur la voie. Semblablement, Jacob Needleman, le philosophe spiritualiste américain, voit l'extase comme une forme d'esclavage. Il dit que l'évolution spirituelle ne se fait pas par des ascensions psychiques et nécessite des expériences non pas grandioses mais plutôt ordinaires. “Le charisme est facile, dit-il, alors que la présence à soi est très difficile et c'est là le vrai travail qu'il s'agit d'entreprendre.
La vraie extase se trouve dans les détails. L'art le plus élevé, c'est de vivre la vie ordinaire de façon extraordinaire, selon les Tibétains”.
Il faut aussi, pour devenir un être complet, beaucoup d'humour, chose qui manque peut-être aux promoteurs du Nouvel Age. On trouve ce manque par exemple dans la prétention d'être branché sur une révélation venue d'en haut. “Seul l'humour peut voir à travers cette prétention, dit Umberto Eco. Peut-être que le rôle de ceux qui aiment l'humanité, c'est de faire que les gens rient de la vérité…car la seule vérité, c'est d'être libre de l'obsession de posséder la vérité”. Être libre d'une connaissance qui n'est pas dans le corps mais seulement dans la tête.
La pensée positive. Un grand nombre de personnes se sont ouvertes à la spiritualité au moyen de la pensée positive. “Pour résoudre le dilemme de la souffrance, dit Moss, cette méthode nous enseigne à penser positivement et à considérer le monde que nous voulons créer. Par cette technique, on arrive à exercer les pouvoirs subtils de la pensée, et de cette façon on croit que le monde pourra s'améliorer et peut-être même guérir de tous ses maux. Mais notre impuissance y est considérée comme un mal. C'est une négation du corps et du pôle négatif de l'existence. Il y a une arrogance dans la pensée positive qui ne lâche pas prise, car le lâcher-prise implique l'absence de choix ainsi que l'absence de certitude. Or, c'est cette incertitude qui engendre la foi, l'humilité et la force intérieure si nécessaires pour une transformation de fond. En somme, j'ai clairement vu, conclut le médecin, que tout effort pour changer ma condition n'était en fait qu'une forme de rejet. Tout cela se nourrit de la peur et de l'incapacité de rencontrer la mort”.
Mais, demanderez-vous, n'est-il pas infiniment préférable d'avoir une pensée plus positive que négative? A première vue, oui. Cependant, ce n'est pas seulement d'avoir une pensée positive qui compte, c'est d'être positif, de voir le bien qui se cache derrière l'épreuve, de savoir dépasser les apparences, de pouvoir renaître de ses cendres. Et cela suppose plus qu'un changement de la pensée, c'est le corps qui doit être atteint, les entrailles, l'inconscient. Il faut avoir changé de cap, de regard. La pensée n'est qu'une expression de surface de ce qui bouillonne au fond de nous dans le secret de l'ombre et de l'abîme.
C'est ce fond qu'il s'agit d'atteindre. Et aucune pensée n'y a accès. Avec la pensée, on demeure dans des recettes de maquillage qui ne changent que les comportements, et n'atteignent pas l'être en son entier. Être spirituel, ce n'est pas vouloir changer la réalité, c'est en accepter tous les aspects, le négatif autant que le positif. On croit peut-être que, si l'on ignore le négatif, il va simplement disparaître dans la brume. Or, ce qui arrive en réalité, c'est que l'ombre niée en nous s'accroît à mesure que l'on refuse de la regarder. On apprend ainsi à vivre dans une sorte de mensonge. En effet, pourquoi entretient-on une pensée négative? Pourquoi toutes ces critiques, ces insatisfactions (Y'a toujours quelque chose qui marche pas), ces amertumes, cette honte de soi, cette peur de l'avenir, cette prémonition de malheurs? Oui, pourquoi? Ne serait-ce pas parce que l'on n'a pas voulu reconnaître et intégrer les ténèbres et les laideurs que l'on cache dans son bas-fond?
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