Giovanni Papini, le chemin chaotique d'une âme intense à travers le miroir de deux textes :
Un homme fini, L'Age d'Homme, 2010
et
L'Histoire de Jésus De Fallois - L'Age d'Homme, 2010
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Nous ne pouvons plus lire « Un Homme fini » tel qu'il fut écrit, tel qu'il fut lu et reçu...
L'écart entre « Un Homme fini » et « L'Histoire de Jésus » nous est connu. Mais, la force de ce texte tient peut-être, précisément, dans cette distance qu'il restait à combler lors de son écriture. Cette « fin » qui se savait déjà. Qui, sans se dire, se savait déjà un « commencement ».
Papini a lui-même déclaré qu'il n'a pas écrit L'Histoire « en état de foi » mais dans un état de tension entre foi et interrogation... Dans L'Histoire, comme finalement dans Un Homme c'est le littérateur qui parle, l'exalté du texte et du style, le « je » qui « veut » !
« Comme le mystique s'abîme dans le Dieu unique et s'efforce d'oublier tout détail sensible, de même je me plongeais et perdais dans cet océan de sagesse qui, au moment précis de me combler, m'emplissait d'un nouvel appétit... » (Un Homme fini)
Puis, L'Histoire aura raison de lui. L'outre-texte aura raison de la raison raisonnante de l''auteur. La résonance du derrière-du-texte mettra à mort la rationalité du texte littérairement correct. La folie de l'Homme fini sera reprise et invertie... Est-ce si sur ? Car déjà, sans qu'il le sache pourtant il avait tout de ce pauvre, prisonnier de la basse misère, de la maladie du « chuté » qui tant émeut le Coeur des coeurs...
« Comme ils me méprisaient alors, libraires, patrons, camarades, famille, tous ! Garnement maigre, silencieux et mal habillé, avec son regard fixe de myope, ses poches pleines de papiers, ses mains tachées d'encre, ses plis de colères et de tristesse autour de la bouche – et ma ride verticale qui commençait à se creuser au milieu du front. » (p.56)
Portrait d'un fol en Christ qui s'ignorait. Mieux, d'un fol en Christ inversé qui avait déposé tout son espoir tant la sagesse de ce monde, et encore faisait-il la différence entre cette sagesse bourgeoise acceptée par tous... et sa folie absolue de vérité ultime et une !
« J'étais laid et méprisable – je le sais et le savais aussi à l'époque -, mais pourtant, sous cette laideur et cette misère, il y avait une âme qui voulait savoir, connaître la vérité et s'imprégner toute entière de lumière... » (p.56)
Non seulement ce précoce enfant (Papini voulut d'une volonté de fer, lorsqu'il était enfant, rédiger à lui seul une encyclopédie et l'entama très réellement...) voulait ignorer le Christ mais le dépasser, guider l'humanité vers la fin la meilleure telle que la concevait son esprit abandonné mais non dénué d'un certain amour féroce...
Cet amour qui le fera se « retourner » d'un total et incandescent retournement...
Cet amour qui le fera reconnaître Christ poète et prophète crucifié par « ce monde »... : son semblable !
Il y a plus de raisonnement chez Papini. Moins de claires évidences dépassant la raisonnable rationalité qui banalise le mal. Il y a plus de conscience du mal qui fait mal à l'âme chez Papini. Il y plus de littérateur que chez Haldas poète... Il y a plus de rachat aussi, plus « d'homme fini »... Quand Haldas est plus dans le dépassement. Et ceci vient bien confirmer et conforter cela que « le » Papini qui écrit L'Histoire est encore-toujours un peu celui qui écrivit « Un Homme fini ». Ce n'est pas tant l'écriture de ce texte que la vie internelle que révéla l'écriture qui fut la métanoïa de l'italien...