Surprise stratégique n° 5

Publié le 15 juillet 2011 par Egea

Un fidèle lecteur me fait remarquer que j'ai délaiss la série des surprises stratégiques : j'en avait promis 10, n'en ai publié que 3 (et 1, et 2 et 3) et ai constaté la 4ème (ici). C'est vrai que je me suis laissé embarquer par d'autres activités, mille excuses messseigneurs.

Il me propose un scénario. Comme c'est la période des vacances, c'est aussi le moment de se raconter des histoires. Merci à oodbae pour sa belle histoire.... pas si belle que ça, d'ailleurs.

La Corée du Nord, suite au décès de Kim Jong II, est dirigée par son fils, dont le nom m'échappe. Moins au fait des jeux d'influence au sein de la RPCN, le contrôle lui échappe partiellement et quelques éléments ont laissé éclater un incident frontalier avec la Russie. La Russie, qui jusqu'ici, ne s'en est laissé compter ni par le Japon à propos des îles Kouriles, ni par la RPChine à la frontière de l'Amour , va encore moins se laisser humilier par la RPCNord, d'autant plus que cela signifierait pour les pays précédemment cités une ré-ouverture potentielle du front. Malheureusement, c'est l'escalade. Là, la RPChine entre en jeu, fait valoir des alliances militaires avec la RDCNord. C'est la cascade des alliances, comme lors de la 1ère gm. La Chine déclare la guerre à la Russie et entreprend de conquérir la côte Est de la Russie tout le long des îles Sakhaline (ce qui lui offrirait une belle ouverture sur le Pacifique, soit dit en passant et supprimerait toute frontière commune entre la Russie et la RPCNord donc renforcerait sa domination sur ce pays).Faut il préciser au lecteur que ce sont des éléments chinois infiltrés en Corée du Nord qui ont provoqué les troubles, tels les faux soldats polonais en 1939. La suite, je ne la connais pas. C'est ça la surprise.

mais on imagine...

Les USA, voisins des deux pays, de même que le Canada, choisissent de ne pas intervenir et restent donc neutres, clamant que "nous appelons les forces en présence à chercher les solutions de la paix", mais soutenant en sous-main le Japon qui saute sur l'occasion pour récupérer "ses" quatres îles Kouriles. Il faut dire que même si les USA exècrent toute politique impériale de la Chine, La Russie conserve à leurs yeux le rôle d'exutoire. "let the hens eat each other", entend on en coulisses à la maison blanche.

La Russie combat la Chine sur le terrain mais celle-ci possède l'avantage du nombre, du soutien des populations locales composées pour moitié d'immigrés chinois ou de leurs descendants, de facilités logistiques en raison de la proximité de la zone du territoire métropolitain et d'une technologie très au point puisque, et c'est l'ironie du sort, composée en grande partie des derniers matériels russe achetés en 2010-2012 du temps de l'entente, notamment les chasseurs Sukhoi t50, dits de cinquième génération. Malgré une mobilisation rapide de l'armée russe qui contient rapidement l'attaque chinoise dans le "kabarovski krai", Moscou se rend vite à l'évidence que c'est un combat perdu d'avance. Il n'est plus temps de maudire l'OCS (Organisation de Coopération de Shangai) et il paraît crédible que la Chine ne prévoît pas d'envahir la Russie comme un certain Adolf H 80 ans plus tôt, après violation du pacte de Molotov-Ribbentrov. La Chine prépare plutôt l'intégration de la Corée du Nord à la Chine, en éliminant un obstacle potentiel du fait de la disparition de la frontière russo-coréenne, et acquiert du territoire (oblast de kabarovski krai et primorski krai), dont le port de Vladivostok , éléments essentiels, sinon significatifs, pour son développement économique.

Pendant que les négociations d'armistice prennent place entre les dirigeants chinois et russes, la présidente de la république francaise a assuré la Russie de son soutien moral et de la solidarité du peuple francais avec le peuple russe. Même son de cloche du coté de Monaco. Démontrant à nouveau sa puissance diplomatique, la présidence de la France peut même se targuer d'une Une du Monde et du Point : "Russie: le coup de poignard dans le dos", coup d'éclat qui prouve le soutien indéfectible de la France dans les heures dures. A coté, cependant, la Presse ne cesse de faire le parallèle avec le conflit russo-géorgien de l'été 2008: "Tel est pris qui croyait prendre" titre le Figaro, "comment dit on Nasdrovié en chinois? " ose même Mediapart toujours dans la provocation.

Dans leur ensemble, les Européens décident de saisir l'occasion de faire pression sur la Russie pour faire baisser le prix du pétrole et du gaz importés. Ils font du chantage aux sanctions contre la Chine à l'ONU. La Russie répond: "Ah, bah, ca me fait une belle jambe maintenant (comprendre : que vous votiez un boycott des livraisons d'armements militaires).". alors que les dirigeants d'Europe de l'Ouest sont encore secoués parce que leurs menaces ne sont pas prises au sérieux, les anciens pays du pacte de Varsovie, dont la Pologne et la Lituanie, menacent d'envahir Kaliningrad et de bombarder le pays, profitant de la présidence tournante de la Roumanie. La Russie fait la sourde oreille, n'ayant pas connaissance de l'existence d'une armée de l'air lituanienne, ni de celle d'une politique de défense européenne. Finalement, la France menace de faire chanter Patrick Bruel et Booba (le rappeur méchant) à la frontière russe dans un haut-parleur géant. Le souvenir encore douloureux de la projection de "marcher sur les limaces" ainsi que les apparitions successives de la France à l'Eurovision laissent présager les plus grandes souffrances à l'idée de devoir apprécier de telles oeuvres artistiques modernes francaises. La Russie dévalue son baril à 120$, au lieu de 160$. Merci qui? merci Patriiiiiick.

Constatant cette concession russe, la Chine inclut dans les négociations une révision des prix du pétrole (et du gaz) livrés à la Chine. Motif: la chine contrôlant à présent une partie des pipelines, les coûts d'entretien et d'acheminement sont moindres pour la Russie, ce qui justifie une baisse de la facture, d'au moins 70% d'après les négiciateurs chinois (sic!). Business is business et la morale n'y a pas de place.

Des actes de sabotage furent déjà observés derrière les lignes russes, attribuées à des agents chinois mêlés à la nombreuse population chinoise immigrée, légale ou ilégale. Malgré la profondeur stratégique dont pouvait bénéficier l'arméé russe, elle ne pouvait faire face à l'armée populaire et à une sorte de guerre de partisans sur ses arrières. La raison commandait donc de faire la paix. La faiblesse de l'armée, la fragilité économique et l'absence de soutien international, voire la trahison de certains voisins européens, achèvent de convaincre les dirigeants, malgré l'état-major qui lui reste imprégné de la culture de la chair á canon.

Evacuant sa honte, le peuple déclencha une vague de xénophobie à l'encontre des chinois, qui sa traduisit par des délits de faciès des plus violents sur tout le territoire à l'encontre de tous les individus aux yeux bridés. La classe politique, dans son ensemble, ne tenta pas d'atténuer cette violence sociale et même l'encouragea, y voyant le moyen de dissimuler sa propre incompétence quant à la sauvegarde du territoire national et de sa souveraineté. Déjà particulièrment touchés par ces discriminations sur la couleur de peau en temps de paix, les immigrés des anciennes républiques soviétiques telles le Kazakhstan, le Tadjikistan, etc sont encore une fois la cible de ces accès de furie vengeresse malgré leur innocence. Nombreux sont ceux qui fuient et rentrent en leur pays, informant leurs relations restées dans leur pays d'orginie le sort qui les attend dans le "pays frère". La russophobie y est alors à son tour attisée. L'espace de libre-échange avec le Kazakhstan est fermé. La Russie s'isole, de fait, encore plus, privée de ses alliés régionaux en Asie centrale.

A l'Ouest, et notamment en France, les journaux titrent: "une goutte d'eau dans l'océan", " le tsar vient de perdre un collier mais conserve ses châteaux". POurtant, ce qui se joue en ce moment, ce n'est rien moins que la perduration de la Russie et la stabilité de l'asie centrale et boréale. Tous les mouvements indépendantistes caucasiens sont ravivés, les dictatures d'Asie centrale sont secouées et les minorités qui les habitent sentent leur tour venir. Ainsi, quand on est assez fort, la Russie ploie, le message est passé.

Pour de nombreux observateurs occidentaux, cette déliquescence de la Russie apparaît comme seulement justice. Pourquoi 150 millions de personnes, ne parlant même pas partout la même langue , pouvaient posséder le plus grand pays du monde? Evidemment, on passe sous silence que la Chine a ainsi violé les principes de l'accord de oopération de Shangai, qu'elle a ainsi attaqué un pays avec qui elle avait pourtant forgé des liens d'amitié ou au moins de coopération sincères, ce qui en dit long sur la fiabilité des accords de paix, de fraternité, de coopération, de marché, etc signés entre les dirigeants de ce pays et les dirigeants européens et nord-américains. Et oui on ne critique pas le nouveau prince. Et puis, la Russie a toujours bon dos. " nous étions votre meilleur ennemi", dit Gorbatchov aux américains après la chute de l'Union Soviétique. Ces popov, ils ont la peau dure...

Les Russes ont la peau dure, certes, mais ils sont sur le carreau, surtout. Incapables d'honorer leur dette pour l'achât des porte-hélicoptère de type Mistral et peu enclins à s'y atteler suite aux chantages européens, les russes provoquent la France, qui manoeuvre pour verrouiller les relations commerciales de l'UE avec la Russie. Cernée de toutes parts, comme on l'a vu, par les Européens antipathiques, les asiatiques du centre haineux et les chinois ennemis, la Russie est en proie à des troubles internes. Le parti communiste tente de renouveler l'histoire. après tout, comme 100 ans plus tôt, les élites ont mené la pays à sa perte, totalement dépourvues d'une conscience sociale qui les aurait amenés , par exemple ,à soutenir une politique d'intégration des étrangers, comme en Europe de l'Ouest, afin d'éviter que ceux-ci ne forment une cinquième colonne le moment venu. Les mouvements d'indépendance se font chaque jour plus importants, la violence étant l'echappatoire de la misère. Les mouvements islamistes prospèrent depuis les franges Sud. Après l'Afghanistan, la Russie devient à son tour une zone dépourvue de consistance nationale, à ceci près qu'elle couvre 12% de la surface émergée de la Terre (moins les nouvelles possessions chinoises).

Faites vos jeux.

oodbae