Fait assez rare, nous avons une unanimité à La Recrue du mois.
Entrez, la porte est ouverte
Une suite de "ici et maintenant" où l'on n'a pas besoin de présentation, encore moins d'explication
Ce roman parcourt la vie d’une large famille, sous forme d’anecdotes qui finissent par se lier. Un organigramme nous est offert au début pour démêler les liens. Aussitôt plongée dans le roman, le style m’a tant happée que j’en ai oublié l’organigramme, ce qui donne une bonne mesure de l’intensité de mon intérêt. L’auteure manie l’art de l’instant avec virtuosité. On entre dans l’immédiat par une porte laissée grande ouverte, on voit ce qui se déroule dans un lieu et, voilà, le tour est joué !
Au moment où les noms de certains personnages revenaient, je me suis tout à coup rappelé l’existence du schéma. Par la suite, aussitôt l’apparition d’un nouveau personnage, j’allais le consulter et me sentais un peu frustrée quand je ne le trouvais pas. L’organigramme a fini par devenir une obsession pour moi ! Si l’histoire exige un tant soit peu de mémoire pour le lecteur, on fait l’effort parce qu’elle en vaut la peine.
J’imagine qu’il serait bienvenu, à ce stade-ci, que je vous présente des personnages. Je suis presque déçue de le dire mais ceux qui me viennent en tête sont les plus brutes. Cette Alma a réussi à me scandaliser, elle qui revient régulièrement sans être inscrite sur l’organigramme (la fin expliquera tout !). Hubert, malgré l’énormité de son geste, m’a amenée à vivre des émotions, surtout lors du face à face avec son paternel. Une scène forte qui s’imprime dans les méninges, une invitation à la réflexion sur la fuite et le pardon. Autre personnage fort à mes yeux, mais loin d’être vil ou vilain : Jean, un grand homme atteint d’autisme. Sa relation avec sa soignante, Justine, est captivante. Comme dans n’importe quelle famille, il y a des membres plus discrets, ainsi en va pour certains personnages.
Une certaine détente s’est installée au fur et à mesure que les informations divulguées permettaient de mieux cerner les divers caractères des personnages, lourds de leur passé, entrainant une captivante complexification des relations.
Quand on propose une saga familiale sur une courte période, doit-on s’attendre à une fin fulgurante ou à une chute fracassante ? Non, bien sûr. Mais jusqu’à la fin, Catherine Leroux maîtrise cet art de décrire les choses avec le plus grand naturel, tout en contournant la banalité, s’effaçant pour mieux mettre en scène ses personnages.
Quatre autres regards :
La Smala Brûlé - Anick Arsenault
Un pachwork lumineux
Un roman familial profondément humain - Mylène Durand
Une fresque québécoise étonnamment riche et captivante
Quel destin au bout du chemin - Christian Liboiron
Une saga familiale dans un style éclaté et envoûtant
Un roman intemporel - Claudio Pinto
Chaque famille a son point noir. Chaque histoire d'amour aussi.
Quelques mots sur l'auteure :
Plus jeune, Catherine Leroux a promis à sa grand-mère qu’elle écrirait des livres. Elle a été caissière, téléphoniste, barmaid, commis de bibliothèque. Elle a enseigné, fait la grève, vendu du chocolat, étudié la philosophie et nourri des moutons, puis elle est devenue journaliste avant, enfin, de tenir sa promesse.
La marche en forêt - Catherine Leroux - Éditions Alto, 2011 - 312 p.