«Ce n'est pas ce qui est supposé! »

Publié le 15 juillet 2011 par Lesimparfaites
Je ne pensais pas que ça pouvait arriver.
On est au resto en vacances. À la table d'à côté, un couple avec deux enfants: un d'environ deux ans et demi et un de 5-6 mois. Pas tenables. Et les parents? Visiblement à boutte! La mère surtout! Le bébé (dans une chaise haute en bois dans laquelle il roulait... j'ai eu peur tout le long du souper qu'il tombe!) se tortille, pleurniche, chiale, attrape tout ce qui est devant lui, tape sur la table, mord ses poings. C'est pas dur comme diagnostic: il a faim. La mère ne bouge pas et regarde sa montre. Elle sort trois ou quatre jouets et Bébé se fait un plaisir de les garocher à terre. Deux-Ans, lui, court dans le restaurant. Son père a à peine le temps de commander que le petit s'est sauvé sur la terrasse. Il part derrière lui laissant la mère et Bébé seule. On le voit qu'elle n'en peut plus des crisettes de bébés, qu'elle a proposé de sortir au resto pour sortir de chez elle point, pour changer d'air, pour ne pas avoir à faire le souper. Mais bébé chigne encore et elle n'en peut plus. Ses yeux sont vides, ceux de son bébé sont suppliants. Il a faim. Mais elle regarde sa maudite montre encore. Pendant ce temps-là, Papa fait patienter Deux-Ans en le promenant dans le restaurant. Il sait que s'il le rassoit, il ne pourra pas rester plus de deux minutes tranquille et le manège sera reparti.
Les assiettes des parents arrivent. Bébé a envie de plonger dedans, même si c'est des salades. Il s'étire, se tortille (OMG la maudite chaise haute pas sécuritaire!!) et Maman finit par le prendre sur ses genoux. Lui, il semble content car plus près de la bouffe. Mais non, elle ne lui donne rien, évidemment. Même pas un microscopique bout de concombre pré-mâché, ni des petites miettes de pain à mâchouiller. Rien. Elle regarde sa montre. Elle attend, les nerfs sur le point de craquer (les miens aussi! À notre table, on a tous un point dans le dos en voyant cela!). Maman mange un peu. Mais c'est du sport avec Bébé qui bouge et fait le ver à chou sur elle. Papa revient avec Deux-Ans qui picore dans l'assiette. Papa est essouflé. Deux-Ans n'aime pas sa soirée. Il semble lui-aussi exaspéré par les cris de son bébé frère. Puis, tout à coup, Maman regarde encore son (&*?& de montre et finit par sortir une bouteille de son immense sac à couches.
Je n'ai jamais vu un enfant avaler aussi vite un biberon. Tout calé. D'un coup. Il doit avoir peur qu'on lui enlève. Il ne prend même pas le temps de savourer. Il s'empiffre. On ferait pareil. J'étais rendu à avoir faim pour lui, pauvre petit. Maman lui a donné son biberon d'une main sans même lui faire un petit câlin sans même le regarder doucement. Elle lui a donné parce qu'il le fallait et parce que c'était l'heure. Pas une once de plaisir de nourrir son enfant. Rien. Rien dans ses yeux. Après? Rien n'avait vraiment changé. Bébé avait faim encore, c'était clair. Tu ne vides pas une bouteille à grande vitesse sans avoir faim. Il a continué à vouloir attraper la salade de sa mère. Sa mère a continué à le maintenir hors de portée. Il a continué à chigner et cela a continué à énerver son frère qui s'est finalement re-enfui et son père a été obligé de courir le rattraper. Quelle soirée au resto pour eux!
Dire combien ça m'a fait de la peine, c'est presqu'impossible. «C'est quoi? C'est quoi? que j'avais envie d'hurler de ma table. C'est pas l'heure? C'est pas écrit dans ton livre qu'on peut nourrir un enfant plus qu'à l'heure dite et plus de la quantité qu'on nous dit. » Les parents «by the book» m'énervent. C'était évident que cet enfant-là était prêt à manger un peu, je ne sais pas un peu de purée de petits pois n'importe quoi! Ou de boire un peu plus, ou plus souvent! Il est peut-être en poussée de croissance? Fie-toi à ton instinct pas à un livre. En voyant la maman regarder son heure et étirer le temps avant de sortir son biberon, je voyais bien qu'elle se disait que ça ne se pouvait pas que le bébé ait faim là, à cette heure-là car ça devait faire XX heures qu'il avait bu et qu'il ne devrait pas boire avant telle heure. «Ce n'est pas ce qui est supposé!»... Eh bien non! Avec les enfants, ce n'est jamais vraiment ce qui est supposé. C'est toujours des règles générales mais il peut y avoir mille exceptions valables et plausibles.
«Alors, jette ta montre au plus tôt, Maman et fie-toi à ton instinct.» Comment on peut laisser un enfant avoir faim ici en 2011? Juste parce qu'un livre nous dit de le faire? J'en reviens pas. J'aurais tellement eu envie de prendre ce bébé dans mes bras et lui donner, avec amour et attention, un peu de purée d'haricot jaune (je prends les plus mauvaises, mais pour lui ce serait déjà un festin!) avec un peu de lait ensuite (ben oui, les livres disent de donner le lait avant et la bouffe ensuite, mais on n'a jamais fait cela ainsi ici et ça va très bien!!!). Doucement.
Non, la vie n'est jamais ce qui est supposé. Pas plus les enfants. C'est vraiment le temps parfois de renouer avec notre instinct. Juste notre instinct. Sans montre et sans livre.