http://www.centre-photo-lectoure.fr/
Weekend d’inauguration Samedi 23 juillet
Les images sont des gouffres*
« Le contemporain est celui qui perçoit l’obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde et n’a de cesse de l’interpeller, quelque chose qui, plus que toute lumière, est directement et singulièrement tourné vers lui. » Giorgio Agamben
Les expositions de cette édition de l’Été photographique mettent en relief les rapports entre la dimension intime de l’individu et son environnement historique, la fragilité de l’identité et ses signes de reconnaissance, le simulacre et l’illusion, le mystère de la présence, les points
de bascule vers l’au-delà du miroir, vers un hypothétique ailleurs (Rozenn Canevet) : présence-absence, voilé-dévoilé, veille-sommeil, rêve-réalité, vie-mort.La plupart de ces sujets sont présents dans l’œuvre d’Izis (1911-1980). En 2010, dans une magistrale rétrospective à l’Hôtel de Ville de Paris, Armelle Canitrot et Manuel Bidermanas avaient montré la richesse et la puissance d’une œuvre trop souvent réduite à un aimable humanisme. L’exposition de Lectoure, en moins de cinquante images, insiste sur la modernité de ce photographe.
À l’instar d’Izis, les démarches poétiques de Ronald Curchod, Anne-Sophie Emard et Manuela Marques ouvrent sur le réel la porte de l’imaginaire, tandis qu’Anne-Marie Filaire, Awen Jones, Silvana Reggiardo et Tres enrichissent notre perception du monde présent. Dégagés des contraintes de l’urgence et de l’actualité, ces derniers font partie de ces artistes contemporains dont les œuvres, selon André Rouillé loin des spectacles éphémères […] de l’actualité, explorent et redécoupent photographiquement l’espace, rendant visibles des sujets et des objets qui ne l’étaient pas, et façonnant ainsi des regards politiques sur le monde. Quant à Pol Pierart, il joue avec les mots et les images pour exprimer avec un implacable humour les pensées que lui inspire sa condition humaine.
Ivan Pinkava et Manuela Marques dévoilent autrement le monde. Dans des photographies allégoriques, riches en matière, Pinkava transforme des objets triviaux en corps nouveaux et mystérieux (Petr Jindra), tandis que Manuela Marques possède cette capacité à dégager une présence accrue, inquiète, comme exagérément intériorisée des choses les plus simples (Jacinto Lageira). Dans leurs œuvres comme dans celles de Silvana Reggiardo et d’Anne-Sophie Emard, la présence n’est pas la visibilité.
Qui est là, sur la photo ? À quelle présence sommes-nous vraiment confrontés ? Qui au juste se trouve derrière les portes des chambres d’étudiantes ou sous les objets qui dissimulent les visages ? Qui sont, dans la vie quotidienne ces résistants glorifiés par Izis ? De quels corps les lits et les sièges vides conservent-ils l’empreinte ? Comme le remarque Christiane Vollaire, les artistes utilisent l’aptitude de la photographie à nous montrer autre chose que ce qu’on regarde, à nous désigner ce qu’on ne voit pas.
Créées pour l’Été photographique (Anne-Sophie Emard, Ronald Curchod), produites par le
festival (Anne-Marie Filaire, Awen Jones, Tres), ou inédites en France (Ivan Pinkava, Pol Pierart), la plupart des expositions seront des découvertes pour les visiteurs. L’exposition Lignes de faille est le fruit d’une résidence d’Anne-Sophie Emard à Lectoure en 2011.François Saint Pierre
Guide de l’été photographique