S'il y a bien une thématique dont j'aime beaucoup le concept en théorie, mais qui répond rarement à mes attentes une fois transposée à l'écran, ce sont les histoires mettant en scène des héros dotés de super-pouvoirs. Trop souvent déçue, mais toujours aussi curieuse, je ne me lasse pas d'expérimenter les séries abordant ce sujet. La période estivale s'y prête d'autant mieux : pendant plusieurs années, la série Les 4400 m'a occasionné bien des frustrations, pourtant je l'ai toujours retrouvée avec un plaisir jamais démenti.
C'est pourquoi je n'ai pas pu résister à l'appel de la dernière nouveauté de SyFy, Alphas, dont la diffusion a commencé ce lundi aux Etats-Unis. Certes, cette chaîne et moi sommes parties chacun de notre côté il y a de cela quelques saisons : l'époque où je regardais sans distinction quasiment toutes ses séries est depuis longtemps révolue, l'amoureuse de science-fiction/fantastique que je suis vivant une triste période de disette actuellement. Autant dire que je n'avais aucune attente particulière en lançant ce pilote. Pourtant j'ai été plutôt agréablement surprise ! Ce ne sera pas la série marquante de l'été, rien d'innovant, mais peut-être y-a-t-il un potentiel dans le registre du divertissement sympathique.
Alors qu'il était interrogé dans une salle close du commissariat, un témoin fédéral est abattu d'une balle en pleine tête. Comment un sniper a-t-il pu l'atteindre alors que la pièce ne dispose d'aucune fenêtre ? Le Dr Rosen est contacté pour élucider ce mystère qui semble défier les lois de la physique. S'il est tout désigné pour ce cas, c'est qu'il dispose sous ses ordres d'une équipe très particulière, composée d'individus dotés de super-pouvoirs que l'on surnomme les Alphas. Leurs capacités sont diverses : acquérir une force sur-humaine, visualiser les flux électroniques, affiner un de ses sens ou encore plier à sa volonté ses interlocuteurs.
Si toutes ces individualités ont des personnalités très différentes, elles forment une équipe complémentaire assez efficace, dont les recherches les mettent rapidement sur la piste d'un autre Alpha, capable de viser avec une précision hors du commun, Cameron Hicks. Mais ce dernier, confus, n'a aucun souvenir de l'acte qu'il a commis. Le Dr Rosen découvre qu'il a subi une manipulation mentale probablement provoquée par un Alpha. Se lançant à la recherche de ce mystérieux commanditaire, ils ne tardent pas à entrevoir les contours d'une autre organisation qu'ils croyaient dissoute, représentant une facette autrement plus dangereuse des Alphas.
Commençons par les choses qui fâchent : ce pilote d'Alphas est inégal. D'une durée de plus d'une heure, il a un peu de mal à tenir la distance, se révélant par moment assez poussif. L'écriture n'est pas toujours des plus habiles (versant parfois franchement dans le caricatural) ; les prises de risque demeurent minimales pour proposer un ensemble aussi calibré que prévisible. Sans échapper à certains clichés du genre, la série mêle les codes d'un formula show policier traditionnel et la spécificité de mettre en scène des protagonistes aux capacités bien particulières. En un sens, Alphas se rapproche sans doute plus, dans ce pilote, d'une forme de cop show à la sauce SyFy que d'une ambiance de super-héros tirée des comics. On retrouve en revanche cette dernière dans l'introduction du fil rouge, puisque notre groupe découvre face à lui un adversaire à sa hauteur, avec une organisation secrète, aussi mystérieuse que dangereuse, composée d'Alphas, qui oeuvre dans l'ombre. Tous ces ingrédients n'ont rien d'innovant, mais la recette avec son arrière-goût de déjà vu fonctionne de manière globalement efficace à l'écran.
Cependant, si le pilote d'Alphas négocie honorablement une introduction basique au sein de son univers, il le doit principalement à un aspect qui m'a agréablement surprise au cours de ce pilote : la dynamique de groupe qui s'installe rapidement au sein de l'équipe. Chaque personnage entre certes dans des cases stéréotypées, mais la complémentarité d'ensemble, au-delà des différences parfois irréconciliables, s'impose. Plus intéressant encore, l'épisode semble s'intéresser sincèrement à chacun d'entre eux, et notamment à cette part de vulnérabilité qui vient invariablement contrebalancer leurs extraordinaires capacités. Ces failles, liées à leur pouvoir, mais aussi plus généralement à leurs histoires respectives, apportent leur lot d'insécurités et humanise les personnages. Le prix à payer, c'est par exemple Rachel qui affine un sens en particulier et perd les autres pendant un moment. C'est Gary, le plus connecté qui soit en visualisant les flux électroniques, mais qui demeure incapable de se connecter au monde réel, inadapté socialement. Si chacun a un rôle bien défini, la manière dont ce pilote met en scène leurs interactions laisse entrevoir un potentiel dans leur complicité, mais aussi leurs tensions, qui peut fonder un divertissement sympathique, même peut-être attachant à l'égard de certains.
Sur la forme, Alphas présente toutes les caractéristiques attendues d'une série de SyFy, dotée d'une réalisation efficace, à défaut de vraiment imposer une identité. Mettre en scène des personnages dotés de super-pouvoir soulève généralement un enjeu principal : la question des effets spéciaux nécessaires pour permettre la manifestation desdits pouvoirs. Dans l'ensemble, Alphas s'en sort honnêtement ; sans en imposer à l'écran, mais sans non plus décrédibiliser l'intrigue. Le téléspectateur n'a aucun mal à accepter le traitement proposé, c'est le principal.
Enfin, côté casting, je serais dans l'ensemble mitigée : cela se départage entre du solide et du plus discutable. Dans les points positifs, j'ai bien aimé la façon dont David Strathairn (Big Apple) incarne le docteur en charge de cette unité très spéciale : il joue sur une forme de détachement flegmatique qui assoit son personnage. L'autre acteur que j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver, c'est Ryan Cartwright (Hardware, Bones), vraiment convaincant pour interpréter ce jeune homme inadapté socialement, mais pour lequel le téléspectateur se prend instantanément d'affection aussi sûrement que ses collègues. A leurs côtés, on retrouve également Malik Yoba (Thief, Defying Gravity), Warren Christie (October Road, Happy Town), Laura Mennell, Azita Ghanizada ou encore Callum Keith Rennie (Battlestar Galactica, Shattered, The Killing).
Bilan : Si elle n'échappe pas aux clichés du genre et à une impression de déjà vu, c'est par sa dynamique de groupe que le pilote d'Alphas laisse entrevoir un potentiel et un capital sympathie des plus honnêtes. Se construisant sur les bases d'un cop-show empruntant aux codes narratifs des super-héros, ce premier épisode, globalement prévisible, est certes inégal, parfois même maladroit. Pour autant, les dissonances et complémentarités de cette équipe très particulière permettent de s'attacher à certains de ses membres et à l'atmosphère. Et si Alphas pouvait être un divertissement sympathique pour l'été ? A suivre ?
NOTE : 6,25/10
La bande-annonce de la série :