Libye – MSF participe à la mise en place d’un réseau de soins psychologiques à Misrata

Publié le 13 juillet 2011 par Lana

MSF aide à la création d’un réseau d’une trentaine de psychologues locaux dans le cadre de ses projets de soutien médical à Misrata, théâtre de violents combats depuis plus de trois mois.

consultation menée par un psychologue MSF à Misrata © Eddy McCall/MSF

Dans un pays n’ayant pas connu la guerre depuis plus de quatre décennies, qui dispose de peu de psychiatres et où la psychologie est un aspect souvent négligé et sous-évalué de la santé mentale, MSF se concentre sur l’aide à la mise en place d’un réseau de psychologues locaux s’adressant à la fois aux patients recevant un traitement dans des principaux centres de santé de la ville, ainsi qu’aux personnes n’ayant pas accès au système de soins.

« Avant la guerre, il n’existait rien d’autre que des services de psychologie destinés aux enfants de Misrata. Même la psychiatrie n’y était pas réellement proposée », explique Elias Abi-Aad, psychologue à MSF. Les gens ne disposaient d’aucune expérience en psychologie clinique, encore moins pour les traumatismes liés à la guerre et les troubles de santé mentale. »

Au-delà des formations destinées à mener des thérapies élémentaires et des consultations, les psychologues de MSF ont mis à disposition du personnel de santé local leurs outils de soins psychologiques développés au cours de 40 années d’expériences dans des contextes de guerre.

«Avant de rencontrer MSF, mes connaissances en tant que psychologue étaient sommaires, explique Fatima Alaylech, psychologue locale. J’ai beaucoup appris de ces formations, en particulier la façon de traiter les traumatismes post-conflit, d’autant que nous n’avons jamais vécu ce genre d’expérience en Libye et que je n’avais jamais rencontré ce type de patients. »

Les membres du réseau ont été initiés afin d’être en mesure de reconnaître les symptômes liés au trauma psychologique et d’établir des critères précis de référence.

MSF organise régulièrement des sessions de formation et des réunions pour discuter des questions pratiques comme la façon de mener une consultation, d’établir un diagnostic, d’effectuer un suivi de traitement et de construire une relation, ou pour dispenser des informations spécifiques sur le traitement des troubles liés au contexte de Misrata.

«Nous discutons de tout – de l’histoire des patients jusqu’aux symptômes qu’ils éprouvent, en passant par ceux qui sont habituellement observés en temps de guerre, l’établissement de plans d’action ou les objectifs à atteindre fixés par le patient et le psychologue », raconte Elias.

« Blessés »

Au début, les psychologues locaux étaient peu familiers de ce type d’activités de santé mentale. L’équipe de MSF a passé du temps avec le personnel médical local afin d’expliquer la nature des interventions « psy », l’importance d’aborder ces questions dès maintenant et de prévenir des conséquences potentiellement plus néfastes. Etape par étape, les patients jusque-là délaissés par le système de soins ont commencé à se rapprocher du réseau pour trouver assistance, tout comme le personnel médical local surchargé de travail et qui souffrait de stress et d’anxiété.

« Nous avons expliqué que la guerre est un facteur extérieur causant des problèmes inhabituels et auxquels la population générale n’est pas habituée, explique Elias. De cette façon, il était plus facile pour les gens de demander un soutien, se considérant d’abord comme « blessés » et non pas comme fous ou déséquilibrés. »

Face à la nécessité croissante de soins psychologiques, le réseau a progressivement trouvé sa place parmi l’éventail de soins proposé à la population de Misrata.

Principaux symptômes

En plus des cas d’amputations référés par le personnel médical, hommes, femmes et enfants sont traités par le réseau pour anxiété, dépression, réactions post-traumatiques, troubles psychosomatiques et troubles du comportement causés par des facteurs tels que la perte d’êtres chers, les bombardements constants, les évacuations, des handicaps et graves blessures physiques, ainsi que l’angoisse de l’avenir.

«Dans les derniers mois, les gens ont commencé à révéler des symptômes psychosomatiques, bien qu’ils n’aient pas été blessés physiquement, dit Fatima. Ce type de symptômes apparaît normalement entre cinq et six mois après l’expérience traumatique, mais nous commençons déjà à voir de plus en plus de troubles comme la dépression, l’anxiété et les névroses diverses chez les enfants telles que l’énurésie nocturne, l’agressivité et les comportements violents. »

Le réseau de psychologues entretient des liens étroits avec les services pédiatriques de Misrata, et fournit des informations aux pédiatres locaux quant à l’indentification des principaux signes de troubles psychiques.

«Une fois, une mère est venue vers moi après m’avoir entendu évoquer des critères de référence avec un pédiatre. « Je pense que les problèmes de mon enfant correspondent à certains de ces critères », m’a-t-elle dit. «Son enfant souffrait de maux d’estomac aigus que le médecin n’arrivait pas à expliquer. En fait, il souffrait de troubles psychosomatiques que nous avons traités. Il va mieux maintenant et la douleur est partie. »

Pérennité

Depuis qu’il est devenu pleinement opérationnel au début du mois de juin, le réseau a pris en charge environ 200 patients. MSF prévoit de poursuivre ce programme afin de consolider l’offre de soins psychologiques dans le système de santé de Misrata et d’élargir le traitement offert à la population locale. « Nous disposons maintenant d’un partenaire local doté d’objectifs clairs et d’une forte motivation, mais qui manque d’expérience, de formation, d’outils de travail, de supervision, et surtout de légitimité à long terme auprès de la population locale, explique Elias. MSF pallie ces manques, comme elle permet aux patients d’accéder aux structures de santé où nous travaillons. Ce soutien de l’Association est crucial pour étendre et installer ce programme dans la durée. »

MSF est présent en Libye depuis le 25 février. L’ONG fournit une assistance à Misrata, Benghazi, Zintan, dans des camps le long de la frontière tunisienne, sur les îles italiennes de Lampedusa et de Sicile. MSF tente aussi d’intervenir dans d’autres lieux affectés par le conflit en Libye, y compris à Tripoli. Pour garantir l’indépendance de ses activités médicales, MSF n’utilise en Libye que des ressources financières provenant de donateurs privés, et n’accepte aucun financement de la part des gouvernements, bailleurs ou autres acteurs militaires ou politiques.

http://www.msf.fr/2011/07/13/10001/libye-msf-participe-a-la-mise-en-place-dun-reseau-de-soins-psychologiques-a-misrata/


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