Selon le procureur Cyrus Vance, l’apparition soudaine de Nafissatou Diallo aurait perturbé ce nouveau calendrier judiciaire. Le témoin à charge contre DSK était sur le point de donner une conférence de presse, mardi, quand le procureur a tout fait annuler.
Les soubresauts judiciaires de l’affaire DSK ont tendance à faire passer au second plan l’autre «personnage» central du dossier. Le scandale a éclaté le 14 mai et, pendant ces deux mois, la femme de chambre du Sofitel est restée une mystérieuse inconnue, des bribes de son existence dévoilant tour à tour une employée modèle, tout entière consacrée à l’éducation de sa fille, ou une immigrée musulmane plongée dans la modernité abrupte de New York. Désormais, Nafissatou Diallo, prise en charge par le bureau du procureur Cyrus Vance, vit dans un hôtel de Brooklyn, selon plusieurs sources, après avoir été, dans un premier temps, hébergée à Manhattan. Le dernier rendez-vous de la Guinéenne, conduite sous escorte discrète au palais de justice, remonterait à plusieurs semaines, le climat entre l’accusation et son principal témoin étant devenu houleux.
Le visage de Nafissatou Diallo a pourtant failli apparaître en pleine lumière, mardi à la mi-journée, lors d’une conférence de presse finalement annulée. L’annonce de l’événement a circulé entre les networks américains et les chaînes de télévision françaises, tenant toute la presse en haleine. L’objectif aurait été de «montrer la jeune femme, la force de son récit, son authenticité, afin de lever les doutes sur sa crédibilité», explique-t-on parmi les personnalités politiques et les leaders de la communauté noire qui ont manifesté leur soutien à la femme de chambre depuis plusieurs jours. Des essais, face à une caméra et à un micro, ont même eu lieu, ajoutent ces mêmes sources.
Initiative «très inopportune»
Pour ceux qui l’ont approchée, l’anglais de Nafissatou Diallo est tout à fait correct, «du niveau de celui d’une immigrée après plusieurs années à New York». La victime présumée n’a ainsi «aucun problème de communication» avec ses avocats. Selon son dossier d’embauche au Sofitel daté du 19 février 2008, révélé par TF1, la jeune femme était alors «motivée, de présentation soignée» et s’exprimait «clairement». L’impression générale était «très bonne». Lors des entretiens avec l’équipe du procureur, un interprète en foulani (langue peule), recruté parmi les traducteurs de très bon niveau, était présent: «Les échanges avaient lieu en anglais mais l’interprète était là en cas d’expression difficile, de vocabulaire technique», selon les informations recueillies . En revanche, l’échange téléphonique avec un homme détenu dans une prison de l’Arizona, au lendemain de l’agression présumée, dont l’enregistrement dure six minutes, s’étant déroulé en foulani, il a nécessité une traduction.
Plusieurs explications sont données à l’annulation de la conférence de presse. L’équipe du procureur Vance, avertie par des fuites, aurait immédiatement fait savoir qu’elle jugeait cette initiative très inopportune. En effet, lundi dans la soirée, le District Attorney annonçait que, d’un commun accord avec la défense de Dominique Strauss-Kahn, il se donnait jusqu’au 1er août pour «poursuivre les investigations». L’apparition soudaine de Nafissatou Diallo aurait perturbé ce nouveau calendrier judiciaire.
Un lieu avait été prévu pour cette levée de l’anonymat: une «megachurch» de Brooklyn où officie le Révérend Bernard, un pasteur évangélique très puissant, à la tête du «Christian Cultural Center», qui compte plus de 30.000 membres. «Un des piliers spirituels de la nation, courtisé par les hommes politiques», écrivait le New York Times dans un portrait en 2009. Le pasteur charismatique, qui donne ses suffrages au maire sans étiquette Michael Bloomberg mais a voté Obama en 2008, connaît bien l’avocat de l’employé du Sofitel, Kenneth Thompson.
La semaine dernière, lors d’une manifestation organisée devant le tribunal de Manhattan, il avait d’abord «observé» la situation, avant de prendre la parole. Parmi les autres figures de la communauté noire, un homme politique connu pour sa «capacité à récupérer des grandes causes médiatiques», Al Sharpton, candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2004, est également aux aguets. Le révérend Bernard a, lui, quitté New York mercredi matin pour l’Indonésie.