Le petit prince, une fois sur terre, fut donc bien surpris de ne voir personne. Il avait déjà peur de s'être trompé de planète, quand un anneau couleur de lune remua dans le sable.
- Bonne nuit, fit le petit prince à tout hasard.
- Bonne nuit, fit le serpent.
- Sur quelle planète suis-je tombé ? demanda le petit prince.
- Sur la Terre, en Afrique, répondit le serpent.
- - Ah!... Il n'y a donc personne sur la Terre ? ………
Cet extrait de la solitude du Petit Prince pour introduire le propos de mon article.
De la solitude de l’homme au travail…. A la souffrance au travail.
Les hommes de demain ne s’activeront pas moins que ceux d’aujourd’hui. Ils chercheront dans le travail au bureau comme dans la vie familiale et associative d’abord des lieux de reconnaissance mutuelle et de partage de projets. Il faut donc redécouvrir que l’activité, rémunérée ou non, représente une socialisation et répond à un besoin de moins en moins satisfait par ailleurs. Coller des millions de personnes seules devant la télé n’est pas la réponse appropriée à la soif de contact humain. La production de biens doit être aussi source de liens. Il faut retrouver le plaisir des temps morts au travail pour y créer des liens ![1]
Alors comment associer ces temps morts essentiels à l’homme aux dictats de la productivité, du rendement ? Dans un espace où aujourd’hui plus personne ( du cadre à l’ouvrier) ne trouve d’espaces ne serait-ce que pour reprendre sa respiration ? Notre sens aigu de la réunionite est là pour en témoigner.
La réunionite est une maladie chronique ou aigüe qui sévit dans de nombreuses entreprises…
Il ne faut pas se tromper. La chirurgie n'a jamais vraiment guéri de la réunionite. En effet, tout en étant une maladie avec ses propres symptômes, elle est d'abord elle même le symptôme d'un management déficient. Elle trouve ses causes parmi l'absence de règles, le manque de respect ou le management-participatif-bonne-conscience, qui génèrent beaucoup d'autres symptômes "désagréables" dans l'entreprise: gaspillages multiples, conflits ...etc[2]
Une autre conséquence pour les salariés est la perte de repères dans l’organisation du travail.
Soumis en permanence à un zapping organisationnel, ou à des injonctions contradictoires, il ne peux plus y voir clair. Il y a alors une perte de repères qui n’est pas sans conséquences.
Le travail, qui est central dans nos vies et nous occupe plus de 8, 10 voir 12,14h par jour selon les fonctions tenues, devient alors un facteur de souffrance.
Les récents événements dans des grandes entreprises comme Renault ou Orange indiquent clairement à notre société jusqu’où peut conduire cette souffrance.
Alors comment revoir nos manières d’être au travail ? Le gouvernement tente de répondre à ces questions en obligeant les entreprises à prendre en compte ce phénomène à travers les accords des risques psycho-sociaux.
Mais ces accords, encore récents, sont-ils vraiment aidant pour le salarié ou au contraire, n’entrainent-ils pas, paradoxalement des effets pervers, dont on n’a pas encore pris toute la mesure ?
Souvent, lorsqu’un salarié est reçu en entretien dans le cadre de la souffrance au travail, il a d’une part en face de lui un manager qui subit la même souffrance, et là l’effet miroir peut-il permettre une réelle écoute ?
Mieux encore, le salarié peut être renvoyé à lui même et à son incapacité à supporter cette souffrance et ce stress plutôt que de rechercher l’origine de ce stress.
D’autre part, comment un manager, en état de souffrance et de surcharge de travail lui même, peut-il entendre ce salarié ? alors que le but recherché de ces entretiens est d’aider le salarié à trouver un épanouissement au travail ?
Mais force est de constater que très souvent il sera renvoyé à sa propre incapacité à ingérer ce stress et cette souffrance.
Et s’il a l’audace de formuler clairement cette souffrance, on entendra plus chez lui sa remise en question de son manager que ce qu’il dit réellement de l’organisation défaillante du travail.
Il pourra même lui être tenue rigueur d’avoir osé cette parole et en denier lieu, on le renverra à vie privée, lui demandant d’aller y chercher des causes qui justifierait cette souffrance. Cherchant ainsi à évacuer la responsabilité d’entreprise, le salarié est laissé là, seul, face à une double culpabilité.
Le salarié à alors peu de chance de s’en sortir…. Sinon de sortir de cette organisation de travail aliénante.
Ce phénomène de souffrance au travail à pris une telle ampleur, que cette année, France Info à ouvert son site : http://espacepublic.radiofrance.fr/temoignage-quel-travail-voulons-nous
Chaque salarié peut y venir déposer son témoignage. Cette collecte d’expériences et de vécus durera toute l’année. Un livre et un débat public en feront la synthèse en janvier 2012.
Pour boucler cet article, j’en reviens à mon choix d’extrait du Petit Prince.
Sans une prise en compte de cette solitude, sans une prise en compte de la dimension HUMAINE, nous resterons dans l’impasse.
Karima KOUIDRI
[1] http://www.constructif.fr/Article_25_38_243/La_valeur_du_travail_produire_du_lien_social.html
[2] http://pascalfrancois.blogemploi.com/management/2005/09/traitement_cont.html