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S'il y a une voix, une musique que l’histoire congolaise retiendra ses cinquante dernière années est celle de son propre fils engendré: Moutouari Côme dit Kosmos. Ce pur créateur de terroir qui continue son unique chemin musical dans le respect des principes de dignité, d’honneur, de délicatesse régissant la profession qu’il adule et aime profondément. Ce discret et atypique artiste congolais issu de la grande école des Bantous de la Capitale. Sous la protection des illustres maitres de la musique Congolaise: le feu Jean Serge Essous et le géant Nino Malapet.
L’ascension fulgurante
La montée de ce jeune talent au sein du temple des Bantous de la Capitale fut fulgurante avec son premier morceau «Ebandeli ya mossala». Qui d’entrée de jeu conquis largement le public. Et hisse ce singulier musicien à la voix envoutante au hit parade, au pinacle de la réussite et de succès. D’autres chansons d’anthologie et rentrées dans le champ patrimonial congolais vont connaitre le même écho retentissant, à savoir: Makambo mibalé, Vie privée, Milena, Makiri, etc.
Dans cette grande famille de la musique Congolaise, il va vite se frayer le chemin au milieu de pléiade et chevronnés auteurs et compositeurs de renom. Qui vont lui prodiguer des précieux conseils et lui donner les ailes pour s’élever plus haut dans l’univers étoilé de la musique phare des années 60.
Mais le succès appelant le succès, il va se faire connaitre plus vite sur l’échiquier du marché et auprès des mélomanes par le biais du duo fantastique formé avec une autre figure emblématique de cette ère musicale glorieuse notamment: Mbemba Mounka Bingui Yvon dit Pamelo. Avec lui ils vont former un magnifique tandem qui va séduire les mélomanes et drainer le public vers les concerts de l’époque. Où le rythme affolant de la rumba va faire bouger et danser ces milliers des adorateurs. Ce duo magique, sublimé par ces talentueux harmonieusement complémentaires et profusément complices, est resté à jamais vivant dans les cœurs des congolais. Qui ont vécu ces époques effacées de la grande musique dans les «Ngandas» populaires, les bars-dancing.
Durant cette période de l’école des Bantous de la Capitale, le jeune musicien né le 2 juillet 1944 à Kinkala va apprendre et étudier auprès de ses pères qui vont lui donner la richesse de la musique Rumba pure et toute la beauté de l’art musical, instrumental et orchestral que ces anciens avaient reçu de leurs aïeux.
Durant cette phase, d’apprentissage et d’expérimentation, le talent né avec virtuosité se fait soudain remarquer par ces multiples compositions. Que le public raffole et fredonne dans les quartiers populaires de Poto-poto, Ouenzé, Bacongo, Makélékélé, etc. et dans les milieux des connaisseurs avertis. Ou ce nouveau venu en respectant la hiérarchie s’est fait accepter dans ce milieu fermé de la musique locale d’autrefois.
Avec ces beaux morceaux, l’artiste est vite habillé en costard et/ou statut d’auteur-compositeur et interprète. Une trajectoire singulière et originale d’un parolier étonnant. Un chanteur hors du commun doté d’un charme phénoménal et d’une beauté à la hauteur du talent. Ce jeune musicien discret, cultivé et laborieux. Les nanas de l’époque n’auront des yeux que pour lui et bien d’autres artistes célèbres du groupe.
L’émergence du trio CEPAKOS
A l’aube des années 70, il quitte les Bantous de la Capitale et va former avec Ya Nkouka Célestin Célio, Pamelo Mounka le célèbre trio CEPAKOS. Le groupe amorce une rupture d’avec l’école orchestrale Bantou de la Capitale dont il a puisé ces racines musicales. Cavalions seuls dans le monde musical hostile de l’époque, cesmusiciens réunis vont créer le buzz dans l’univers orchestral dominé par les Bantous. « Ba kolo mboka ». Avec euxle fameux «Tcha tsibi, Tcha yala » devient le dicton ou aphorisme célèbre que les « Kembos» et les supporters de Diables noirs vont populariser et scander à l’infini…
Malgré quelques anicroches de chemin, ce groupe novateur reçoit un accueil chaleureux auprès du public. Elu domicile à Bacongo, cet orchestre va trouver une place de choix, de promotion et de développement. Dans ce quartier où le sport et la Sape jouaient déjà des rôles majeurs et occupaient aussi une agora de prédilection.
Dans ce nouveau milieu Ya Kosmos devenu l’un des fondateurs s’affirme prépondérant en lançant sur le marché des tubes qui vont faire fureur au niveau national. Ainsi les chansons fétiches comme « Accident ya Peuple, Kamouiya, Fanny BB, Madou Séssélésé, Balle à terre, Lettre ouverte,... et bien d’autres vont donner au jeune chanteur d’alors une carrure musicale impressionnante. Dans cette ère nouvelle le duo célèbre va continuer d’envouter et d’emballer les mélomanes des quatre coins du pays.
Au bar Macedo à Bacongo où le groupe se produira chaque Week-end devient le temple de la musique congolaise. Un orchestre composé des musiciens d’horizons divers et de grands talents. Ce groupe connaitra un succès populaire par la variété musicale et incontestable des artistes aux multiples casques. Parmi eux on pouvait citer: Moumpala, Mick Michel, Mimi Mwana Pose, Kimbolo Clotaire,… ces musiciens assermentés et d’autres qui avaient donné à l’orchestre Le Peuple ses titres de noblesse.
Une autre dimension musicale
Mais au début des années 80, Ya Côme sous l’impulsion du grand guitariste de l’époque Master Mwana Congo va sortir son premier disque en France. Un nouveau défi et un nouveau tournant pour ce prodigieux musicien. Sa musique prend une dimension continentale et sera considéré comme le « Tino Rossi d’Afrique ».
Cet étonnant érudit se fait remarquer par le timbre vocal riche et les thèmes musicaux élaborés, recherchés. A ce propos, l’éloquent musicien disait lui-même lors d’une interview à la radio Congolaise: « S’agissant de la voix, il y a certaine chose que je ne fais pas pour bien me contenir… Pour la musique,…. il faut tenir compte du marché du moment, la mélodie et le rythme…et c’est justement cette symbiose, cette synchronisation qui fait la force du morceau…».
Dans cette merveilleuse aventure musicale Ya Côme nous amène dans un sublime univers musical teinté de moralité, de camaraderie, de rassemblement, de solidarité, de liberté, de coutumes, de mœurs… de déception et de disparition aussi. Mais surtout de spiritualité. Cet artiste dans la lumière transmet à travers ses chansons un message de vérité et de sagesse. Une vibration musicale très élevée. Ce sage musicien en revisitant la culture et la tradition Congolaise écrit une magnifique chanson qui est resté et restera à tout jamais dans les annales de l’histoire nationale. Un conte fabuleux chantonné qui relate les origines, l’épopée des « Kongos », des fameux « Mvila » que composent la riche tradition de la nation. Je cite : « Ba tâ Mbiemo ». Ce tube célèbre qui demeure à tout jamais graver dans la mémoire collective.
De plus, il nous a entrainés dans sa profonde caverne intérieure nimbée des sentiments, des pensées,… de ses rêves. Une immersion sans fin dans sa vie privée où son âme secouée par les écueils passagers distillait un cri intérieur dans lequel chacun trouvait un puzzle de sa vie. A ce sujet les chansons tels que: Tabali, Ba Camarades, Liberté…expriment merveilleusement cet univers constellé de ces morceaux choisis. Et son mot préféré de la langue française «Terrible !» revient sans cesse dans ses chansons comme pour repousser le sort, s’armer de force et donner à ceux qui l’aiment le gout, l’envie de savourer davantage ses mélodies. Et de voyager avec lui dans un monde musical d’amour et d’espérance où il invoque continument le Dieu éternel et le «Mama wa Ndombi» dans la pure tradition Kongo.
Mais ces connaissances ne se limitent point à la tradition. Elles se déploient dans le champ infini de la vie où il a écrit un chef d’œuvre de grande qualité d’écriture. A savoir: « les étapes de la vie ». Une chanson qui synthétise les marches de l’existence et qui représente toute la quintessence de sa création musicale. Et qui montre à l’évidence que Ya Côme est à contre courant des auteurs compositeurs de son temps. Il est incontestablement l’un des musiciens le plus doué de sa génération. Un brio auteur de la vie, de l’amitié, de la fraternité, d’unité, d’amour….si profondément spirituel. Un messager à la voix d’or dans ce monde qui passe… dont il laisse et laissera à tout jamais l’éternel l’écho. Celui d’un artiste fécond qui aime la musique de l’âme…celle qui donne sans compter et sans réserve. Un pilier scintillant d’une musique congolaise monumentale qui ne mourra jamais. Il importe à notre riche nation de sauvegarder le trésor et bien d’autres, en péril, qui sont menacés. Et aux jeunes musiciens d’aujourd’hui d’aller puiser dans cette source intarissable les germes de possibles qui conduisent au firmament de la musique. Non subliminale.
Voici un des morceaux :
Musique : Tabali - Auteur : Kosmos Mountouari