François Clouet (Tours ? c.1516-Paris, 1572),
La lettre d’amour, c.1570.
Huile sur papier marouflé sur bois, 41,5 x 55 cm,
Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza.
Le nom de Pascale Boquet ne vous est peut-être pas familier, sauf si vous êtes amateur de musiques de la Renaissance et du premier XVIIe siècle. Cette brillante luthiste officie notamment, en effet, au sein des ensembles Doulce Mémoire et Les Witches où sa science de l’accompagnement fait merveille depuis des années. Elle nous propose aujourd’hui ce qui est, sauf erreur de ma part, son premier disque en qualité de soliste en nous offrant Du mignard Luth…, un florilège de pièces composées en France et en Italie au XVIe siècle que publie la Société française de luth.
La conjonction de deux inventions, l’une spécifique à l’instrument, l’autre plus générale, va assurer au luth un développement
considérable, au point de faire de lui un des symboles musicaux voire sociétaux de la Renaissance, dont la présence hante aussi bien la poésie que la peinture, incarnation du raffinement né
d’une parfaite éducation, accompagnateur des joies et des tourments des amants dont il exalte l’ardeur et console les plaintes, signe aussi de la fragilité de l’existence quand une de ses
cordes est brisée, comme dans les fameux Ambassadeurs (1533) de Hans Holbein le Jeune. Dans une même logique d’élargissement, le plectre au moyen duquel les chœurs du luth étaient
auparavant pincés est abandonné vers la fin du XVe siècle au profit du jeu avec les seuls doigts, avec pour conséquence immédiate le passage de
la monodie à la polyphonie, tandis que l’invention de la tablature, dans les première années du XVIe siècle, permet dorénavant de noter les
œuvres avec toute la précision souhaitable et de les diffuser largement grâce à une autre toute jeune technique, l’imprimerie.
Pascale Boquet (photographie ci-dessous) aborde les pièces de cette anthologie avec le naturel immédiatement séduisant que lui
autorise sa fréquentation assidue et attentive de la musique du XVIe siècle et c’est avec beaucoup de plaisir qu’on lui emboîte le pas durant la
presque heure et quart que dure ce récital. Il me semble qu’elle l’a construit dans un double but, cherchant à la fois l’agrément de l’auditeur, mais aussi son instruction, les œuvres proposées
offrant au moins un exemple de chaque partie du répertoire où l’on a composé pour le luth, tandis que la mise en miroir entre France et Italie fait apparaître les subtils jeux d’échos mais
aussi les différences qui se tissent entre elles.
Je vous recommande donc chaleureusement ce magnifique florilège signé par Pascale Boquet qui rend splendidement justice à la musique pour cordes pincées italienne et française de la Renaissance et constitue une introduction assez idéale pour la faire connaître et surtout aimer. Malgré sa distribution confidentielle, il faut souhaiter que cette réalisation réussisse à trouver l’audience la plus large possible, condition nécessaire pour permettre à la Société française de luth d’en entreprendre d’autres aussi importantes, qu’il s’agisse du répertoire français, où des découvertes restent encore à effectuer, ou allemand, encore si scandaleusement négligé.
Pascale Boquet, luth à 7 chœurs (Didier Jarny, Tours, 2003) & guiterne à 4 chœurs* (Didier Jarny, Tours, 2002)
1 CD [durée totale : 73’42”] Société française de luth SFL 1105. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Giovanni Antonio Casteliono (éditeur), Pavana & Saltarello (1536)
2. Perino Fiorentino, Fantasia prima (1547)
3. Pierre Phalèse & Jean Bellère (éditeurs), Branle d’Écosse (1570)*
4. Adrien Le Roy (éditeur), M’amye est tant honneste (chanson originale de Pierre Sandrin, arrangement publié en 1559)
Illustrations complémentaires :
Bartolomeo Veneto (documenté à partir de 1502-Milan, 1531), Femme jouant du luth, c.1530. Huile sur bois, 55,88 x 41,27 cm, Los Angeles, Getty Museum.
La photographie de Pascale Boquet est de Gérard Proust, utilisée avec autorisation.