L'Appel des origines. 1, Harlem

Par Icecool

- DOSSIER PEDAGOGIQUE -

L’Appel des   ORIGINES

Callède, Séjourné & Verney

Vents d’Ouest, 2011.


DOSSIER en ligne et téléchargeable  :

39. L'Appel des origines. 1, Harlem : analyse de couverture

Lecture en plein écran : http://fr.calameo.com/read/000113087536bbb073508

L’intrigue en résumé 

L’Appel des origines. 1, Harlem (2011) :

Harlem dans les années 1920. La jeune Anna travaille la journée dans le restaurant de son oncle et sa tante, et la nuit danse au rythme du jazz. Une vie qui pourrait être légère… Mais Anna est tourmentée par ses origines : elle est métisse, un statut difficile qui l’empêche de trouver sa place. Un jour, elle découvre l’existence de son père inconnu : un Blanc, mystérieusement disparu en Afrique.

Elle ne pense plus qu’à le retrouver, et réussit à se joindre aux membres d’une expédition se rendant sur le continent noir à la recherche des origines de l’Homme. À chacun sa quête, à chacun ses origines : les voici partis ensemble à la poursuite de leurs chimères.


 

Vue de la 5ème Avenue à New-York en 1917.

 



Questionnaire pour les élèves

La couverture d’une B.D. comporte deux messages : l’un écrit, l’autre dessiné.

On pourra observer avec les élèves le schéma de progression suivant, en leur ayant soumis ou non le résumé des ces deux albums :

A.   Etude des textes et paratextes

1.   Relevez le titre de cet album.

Que nous apprend-il sur le genre du récit ?

Quelles hypothèses de lecture peut-on en tirer ?

2.   Quels renseignements supplémentaires nous donne le sous-titre « Harlem » ?

3.   La typographie du titre nous renseigne-t-elle sur le genre du récit ?

4.   Relevez le(s) nom(s) du ou des auteur(s).

Leur rôle respectif est-il renseigné (vérifier en page de titre si ce n’est pas le cas) ?

Le nom de l’éditeur apparait-il ?

B.   Etude des images et dessins

5.   Décrire l’illustration principale, sans commenter ni juger :

-   Plan employé (vue d’ensemble, plan moyen ou gros plan) ?

-   Cadrage (visée frontale, plongée ou contreplongée, oblique) ?

-   Profondeur de champ (1er plan, 2nd plan, arrière plan) ?

-   Présence d’un hors champ ou d’une vue subjective ?

-   Couleurs dominantes ?

-   Présence ou non de personnages identifiables ?

-   Lieux, époque et actions ?

6.   D’après l’ensemble des éléments dessinés listés (1ères et 4èmes de couvertures), quelles hypothèses de lecture peut-on désormais formuler ?

7.   Quelles informations trouve-t-on à la fois dans le titre de la série et dans l’illustration ?

Quelles informations supplémentaires donne éventuellement l’image ?

8.   Que suggèrent les couleurs employées ?

9.   Cette couverture vous donne-t-elle envie de lire la B.D. ? Pourquoi ?

 

 

Lecture et analyse de la couverture 

 

Né à Dax (Landes) en 1972, le scénariste Joël Callède s’est toujours attaché à développer des histoires marquées par le non-dit, où des situations exceptionnelles viennent révéler les failles des personnages, moment crucial où ils basculent vers la noirceur et le chaos (voir les séries Enchainés ou Dans la nuit, aux titres évocateurs). Après avoir traité pleinement du genre thriller avec Haute sécurité (une enquête dans l’enfer carcéral des USA) ou Tatanka (les protagonistes luttent contre une épidémie mortelle fulgurante), Callède se réassocie avec le dessinateur Gaël Séjourné et le coloriste Jean Verney pour traiter une histoire plus romantique, prenant pour cadre l’Amérique des années 1920.

Ce cadre américain fait référence à tout un patrimoine culturel rendu mythique par la littérature, la musique et le cinéma : qui dit « années 1920 » aux USA dit en effet développement d’une industrie florissante, marquée par l’essor conjoint des nouvelles techniques industrielles et des médias. C’est le règne de l’organisation scientifique du travail (taylorisme et fordisme), plus tard critiquée par Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes (1936), des débuts de la Prohibition concernant les boissons (qui fera le bonheur de la mafia et d’Al Capone à partir de 1925) et de l’érection des gratte ciels (Chrysler Building en 1928, Empire State Building en 1930). Ce sont aussi les grands débuts de l’ère des studios hollywoodiens (le fameux panneau « Hollywood » est érigé en 1923 sur une colline de Los Angeles) qui, outre les comédies et films burlesques, privilégient alors les Westerns et les grands films d’aventure. La parution du premier film parlant en 1927, Le Chanteur de Jazz, détermine également toute l’influence de la musique noire, qui va propulser d’Harlem à Broadway et de la Nouvelles-Orléans à New-York des noms tels Sydney Bechet ou Louis Armstrong. Notons que les années 1920 et 1930 virent l'apparition de l'industrie du disque, et donc l'accroissement extraordinaire de la popularité des chanteurs et guitaristes de blues ou de jazz. La fin de la période est frappée de plein fouet par la Grande Dépression, crise économique d’envergure mondiale qui débute par le krach boursier du 29 octobre 1929.

Rue de Broklyn en 1928

L’étude minutieuse de la 1ère de couverture de L’Appel des origines mettra en évidence certains des marqueurs culturels précités : le renvoi à l’univers de la ville américaine (Ford T et gratte-ciel) détermine d’entrée de jeu une itinérance dont l’unique personnage représenté est le garant. En rejoignant le ciel (et le mot « origine »), l’immeuble trace une ligne ascendante qui est complétée discrètement par la reprise en haut de page d’un véhicule dans un tout autre contexte (l’Afrique noire) dont le traitement encore « en négatif » suggère le temps décalé ou le caractère perdu.

Séjourné illustre en couverture l’essor du quartier de Brooklyn, le plus peuplé des cinq arrondissements du Grand New York, alors dominé en 1927 par la structure de la Williamsburg Savings Bank, haute de 46 étages. Le visage de l’héroïne (Anna), cadré en gros plan, occupe la partie gauche du visuel, mettant en valeur le traitement féminin d’un album dont les thématiques centrales associeront naissance, maternité, croissance, urbanité et itinérance. On déterminera également - et sans avoir lu l’album - que le sous-titre « Harlem » connote l’introspection du thème des origines raciales et ethniques de ce personnage visiblement métisse, dont les « origines » restent à préciser selon le titre de la série et le renvoi déjà signalé au continent africain.


La tour Williamsburgh au début des années 1930

La typographie choisie pour le titre de l’album a naturellement trait à l’atmosphère des années 1920 et à l’esprit Art déco, mouvement artistique influent de 1920 à 1939 notamment dans l’architecture et le design. Le style vestimentaire d’Anna précise cette autre figure emblématique de la période Art déco qu’est la « garçonne » : silhouette androgyne et cheveux courts, on assiste en effet à l'émancipation de la femme qui désire occuper une place au moins égale à celle de l'homme. Le mot « garçonne » provient du roman homonyme écrit par Victor Margueritte en 1922 et sera magnifié par les silhouettes de Suzanne Lenglen (tennis), Louise Brooks (cinéma), Tamara de Lempicka (peinture) ou encore par la chanteuse et meneuse de revue Joséphine Baker.


Louise Brooks en 1927 ( © Library of Congress)

Dernier point de référence à mettre en parallèle avec cette couverture, le cinéma, et plus précisément les affiches de films conçues dans les années 1920 : outre l’illustration graphique parfois archétypale d’un véritable sous-genre (le film d’aventure romantique et exotique, dont Tarzan (WS Van Dyke, 1932), The African Queen (J. Huston, 1951) et Out of Africa (S. Pollack, 1985 ; adaptation de La Ferme africaine (1937)) seront les garants), on verra dans l’inconscient collectif que l’association antagoniste d’un visage féminin et d’un gratte-ciel peut aussi renvoyer au célèbre Metropolis de Fritz Lang (1927), voire à la légende dérangeante et crépusculaire de King Kong (M.C. Cooper et E.B. Schoedsack, 1933).

 

Affiche originelle pour le film Skycrapers Souls (E. Selwyn, 1932)

On comprendra aisément en voyant et analysant cette couverture que les sources documentaires des auteurs sont à relier à un vaste imaginaire ayant parcouru la littérature, le cinéma et l’ensemble des moyens d’expression depuis le début du XXème siècle : les transformations sociales et technologiques issues de la fin du XIXème siècle nourriront le roman d'aventure qui prendra en compte la développement des villes au travers des leurs nouvelles populations (Les Mystères de Paris d'Eugène Sue dès 1842) et du progrès scientifique (œuvres de Jules Verne ou d’H.G. Wells). La motorisation des transports, la facilité et la vitesse des déplacements par le train, l'automobile puis l'avion feront rêver les lecteurs alors que la nostalgie d'un « monde perdu » (Conan Doyle, 1912) antérieur à ce progrès accompagnera notablement les Aventures de Tarzan imaginées par Edgar Rice Burroughs (1912 également), pour ne donner que ce seul exemple. Un autre facteur du succès du roman d'aventure est le goût de l’ailleurs entretenu par les récits de voyages et les biographies des explorateurs : citons le Journal d'un voyage à Tombouctou de René Caillié (1830), Voyage aux grands lacs d'Afrique orientale de Richard Francis Burton (1857 - 1859), À travers le continent mystérieux d'Henry Morton Stanley (1878), ou encore lesrécits romanesques postérieurs de Rudyard Kipling (Le Livre de la jungle, 1894) et de Joseph Conrad (Au cœur des ténèbres, 1899).

De pages en bulles, Callède et Séjourné s’associent au final avec justesse et émotion aux découvertes fondamentales effectuées par les anthropologues, archéologues généticiens et linguistes : L’Appel des origines contient en germe la recherche de l’Afrique, berceau de l’humanité, des rêves et d’une aventure d’éternité par définition encore en devenir.

La genèse d’une couverture, commentée par Gaël Séjourné

Tout vient à point à qui sait attendre, voici les nombreuses étapes de gestation de la couverture, et j'en ai passé...


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En résumé tout est parti de la couverture « 0 » où nous avions décidé avec le scénariste de mettre Anna en évidence sur un décor de Harlem, tout en essayant de préciser à quelle époque l'histoire se déroulait.


Après quelques recherches, Callède regrettait de ne pas prévenir le lecteur que cette histoire nous entrainera en Afrique, d'où mon idée de rajouter un bandeau en haut qui symbolise l'expédition perdue dont Anna va suivre les traces.


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La couverture n°1 nous plaisait bien mais la directrice de collection n'était pas hyper emballée. Elle a fait travailler un graphiste, dont je vous fais grâce des propositions car c'était plus que médiocre ! Du coup, j'ai fait plusieurs propositions dans tous les sens (couvertures n° 2).

  

 

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En couvertures n° 3, je suis allé dans la direction des affiches de films d'aventure de l'époque.

   

   

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Puis Valérie Aubin (la directrice de collection), vexée, a eu la bonne idée de remettre le projet entre les mains d'un autre graphiste dont j'ignore encore le nom, qui a fait beaucoup de propositions très intéressantes (couverture n° 4). C’est de celles-ci que nous avons tiré la bon visuel final après quelques ajustements.


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Pistes supplémentaires 

-   http://www.ventsdouest.com/bd/l-appel-des-origines-tome-01-9782749305509.htm

Page dédiée à la série sur le site de l’éditeur

-   http://www.usa-decouverte.com/culture.html

Un panorama de la culture américaine

-   http://www.techno-science.net/?onglet=articles&article=3&page=6

Quelques gratte-ciel entrés dans l’histoire

-   http://www.ouiphilblues.com/historique.html

Une histoire du blues et du jazz

-   http://mletourneux.free.fr/

Site consacré au roman d’aventures

-   http://www.bdtheque.com/search.php?cboThemes=425&chkDetails=on&hidetop=1

http://www.bdtheque.com/search.php?cboThemes=508&chkDetails=on&hidetop=1

Autour des années 1920-1930... en BD

Dossier réalisé par Ph. Tomblaine

- Images toutes ©Vents d’Ouest - Callède, Séjourné & Verney. 2011.