Odile et Johann m'ont apporté il y a quelques temps le bouquin en me le recommandant chaleureusement mais comme j'en étais alors dans les affaires de "vent d'Espagne", j'avais posé l'objet en question dans un coin en me disant qu'il serait le prochain sur la liste .Et puis voilà , comme indiqué au chapitre précédent , toutes les histoires, même les plus denses, ont une fin (surtout, prend ton temps Ambre ...) aujourd'hui donc j'ouvre "Wisconsin" .Monsieur Neuhoff du Figaro si ou là ( allez, que voulez-vous, personne n'est parfait) en cause ainsi:"C'est un roman robuste comme la poignée de main d'un indien Ojbwé, réconfortant comme une bière fraîche au comptoir d'un bar de Milwaukee, sensible comme un adolescent qui élève des souris dans son lit. On a envie de le prêter à tout le monde, de se fâcher avec ceux à qui il ne plaira pas. Faites passer"
c.q.f.d.
Et puis, comme c'est étrange tabernuche,c'est comme si, il existait un lien , un pont, un...entre les deux affaires. Dame, au point ou Jean suie, m'en voilà tout ébaubi (solo).
"Ce jour là, partis chasser le cerf, ils s'étaient arrêtés pour se désaltérer et manger leurs sandwichs;"Le printemps, avait brusquement dit son père en contemplant la cime des arbres, est la saison des femmes et de la naissance. L'automne est la saison des hommes et de la chasse."Ernie, alors âgé de seize ans, n'avait pas pensé à lui demander des éclaircissements, mais ces paroles étaient suffisamment singulières pour rester gravées dans sa mémoire.En 1944, il était rentré de la guerre dans le Pacifique depuis deux semaines et venait de se marier quand son père avait eu une première attaque. au lieu de partir en voyage de noces, sa femme et lui avaient soudain dû assumer la responsabilité de la ferme familiale d'Ernie à Olina et prendre en charge ses parents âgés. Durant les longues journées de travail, le temps semblait toujours manquer pour aborder des sujets autres que les considérations d'ordre pratique. De toute façon, Ernie hésitait; il avait peur de bouleverser son père en le forçant à parler alors que celui-ci avait déjà le plus grand mal à formuler ses désirs et besoins les plus vitaux. Pourtant, les soins dont sa bru entourait le vieil homme et la patience dont elle faisait preuve pendant les séances quotidiennes de rééducation semblaient presque lui rendre des forces. Malheureusement, au moment même où il paraissait sur le point de recouvrer sa capacité de parler et de marcher sans aide, il avait succombé à une seconde attaque dans son sommeil.Ernie avait rapporté à sa mère les propos paternels deux ans plus tard, peu avant qu'elle ne disparaisse à son tour, espérant qu'elle pourrait en déchiffrer le sens. Mais son visage d'ordinaire jovial s'était chiffonné sous l'effet de la perplexité."Je ne vois pas."Elle avait secoué la tête."Non, je ne vois pas ce qu'il a voulu dire."il aurait donné n'importe quoi pour parler de nouveau à son père. Lui demander s'il avait vraiment compris le sens de cette phrase: les femmes appartenaient à la vie, les hommes à la mort-et les hommes tuaient à l'automne ce que les femmes avaient mis au monde au printemps. Même si elle n'était pas à prendre au sens littéral, la métaphore n'en restait pas moins terrifiante.il fourra ses mains nues dans les poches de sa veste puis il leva les yeux vers le ciel piqueté d'étoiles. Un frisson le parcourut. La vieillesse n'apportait pas la paix. Le nouveau millénaire ne signifiait rien à ses yeux. Sa femme et lui s'étaient couchés de bonne heure le soir du nouvel an, indifférents à la peur nationale d'un attentat à la bombe, du terrorisme frappant à l'aveuglette. Ils n'avaient pas, comme certains de leurs voisins, constitué des réserves d'eau minérale, accumulé des boîtes de conserve, acheté d'énormes générateurs électriques ou transformé leur sous-sol en bunker. Ils avaient simplement dormi, se sachant de toute façon impuissants à modifier le cours des événements.Sa main droite jouait avec le mouchoir au fond de sa poche. S'il avait bien appris une vérité dans la vie, c'était celle-ci: poser une question pouvait se révéler le plus rebelle des actes et aussi le plus indispensable; laisser subsister les non-dits pouvait faire du mal, à soi comme aux autres.il en éprouvait chaque jour le goût, comme s'il avait croqué le fruit du clavalier. La brusque intrusion dans sa bouche d'une saveur acide avant qu'elle n'engourdisse ses gencives et sa langue. Même l'eau semblait incapable de la chasser.L'amertume."
-Extrait de: "Wisconsin" de Mary R. Ellis. -domaine étranger-Editions 10-18-