Boeing face ŕ des choix difficiles.
Le show médiatique d’Airbus, tout au long du salon du Bourget, a indubitablement eu des effets pervers. D’autres informations n’ont pas trouvé leur chemin au milieu de cette agitation ou leur intéręt a été sous-estimé. Y compris, ce qui est un comble, la maničre de dire et de faire de Boeing, pourtant plus présent que précédemment avec la premičre présentation des 787 et 747-8. De plus, Jim Albaugh, patron de Boeing Commercial Airplanes, habituellement peu disert, a formulé quelques remarques d’un intéręt particulier.
Ainsi, évoquant les trois ans de retard du 787, il a dit le plus naturellement du monde que la partie externalisée de la production a probablement été trop importante. Il ne lui reste plus qu’ŕ renoncer au mot Ťprobablementť pour faire tout ŕ fait amende honorable. Cela en attendant que sonne l’heure des comptes et, notamment, que vienne enfin des explications du côté de Finmeccanica et Vought. On continue de s’interroger : comment une grande maison comme Boeing, trčs conservatrice, a-t-elle pu confier autant de responsabilités ŕ ces deux partenaires et ne découvrir que bien tardivement leurs manquements ?
Quoi qu’il en soit, le 787 est désormais en production, ŕ petit rythme dans la mesure oů il faut un début ŕ tout, et le premier exemplaire sera bientôt livré ŕ la compagnie japonaise ANA. Les attraits opérationnels du nouveau long-courrier américain sont tels que les retards n’ont finalement pas produit d’importants dommages collatéraux, le carnet de commandes étant préservé. D’oů une situation étonnante : Boeing a Ťtropť de commandes (plus de 800) pour son dernier-né, l’équivalent de 7 ans de production. Dans ces conditions, il ne lui est plus possible de séduire de nouveaux acheteurs tout en leur proposant des délais de livraison raisonnables. Lui faudra-t-il pousser les feux ? Aller dans cette direction impliquerait des risques considérables alors que l’équilibre financier du programme se situe certainement au-delŕ de l’horizon. Maigre consolation, Airbus est lui aussi empętré dans de sérieuses difficultés avec l’A350XWB concurrent.
Jim Albaugh est trčs clair, ŕ ce sujet : la double priorité est de livrer au plus vite dix 787 par mois et … Ťmake it profitableť. D’autant que le retard enregistré par le 747-8 est lui aussi inévitablement coűteux, alors que les commandes restent relativement rares. Il lui faudra du temps pour s’imposer, le constructeur américain devant encore faire valoir la vraie nouveauté que constitue cet avion. Il n’est pas un Ťsimpleť dérivé du Jumbo Jet originel.
A côté de ces doubles nouveautés, Boeing dispose toujours de valeurs sűres, ŕ commencer par le 777 dont la cadence de production va ętre remontée ŕ 8,3 exemplaires par mois, peut-ętre 10. Par ailleurs, la succession du 737 fait l’objet de discussions infinies, exacerbées par le succčs fulgurant de l’A320 NEO.
La situation est inédite, curieuse, paradoxale : pour Boeing, il est urgent de décider s’il convient de doter le 737 de moteurs de nouvelle génération, Pratt & Whitney ou CFMI, ou de lancer un produit entičrement nouveau. Or il s’agit ici de préparer sans plus attendre la succession d’un best-seller, dont la cadence de production va bientôt ętre remontée ŕ 42 exemplaires par mois ! Sans la pression concurrentielle (Airbus, Irkut, Comac) sans doute apparaîtrait-il urgent d’attendre. C’est un véritable cas de conscience et, confirme Jim Albaugh, une décision n’interviendra pas avant plusieurs mois.
Dans l’hypothčse oů le développement d’un avion entičrement nouveau serait choisi, ce qui est probable, peut-ętre le bureau d’études de Boeing choisira-t-il de frapper un grand coup, d’innover radicalement. Mike Bair, responsable des travaux exploratoires du ŤNew Small Airplaneť, a ainsi évoqué un concept d’appareil ŕ fuselage large, ŕ deux couloirs, ce qui laisserait supposer un concept aérodynamique novateur. Info ou intox ?
Pierre Sparaco - AeroMorning